De Palma est souvent critiqué pour son formalisme, son manque de profondeur, privilégiant sa virtuosité au propos. Ses moins bons films sont clairement ceux où il signe le scénario, ainsi que ceux dont le casting n'est pas à la hauteur.
Ici, ces défauts sont largement minorés, grâce à une histoire ancrée dans la réalité ( le récit d'un procureur de New York ) et un acteur au sommet de son jeu,Pacino. Le film s'élève à un lyrisme de bon aloi pour se hisser au rang de superbe tragédie contemporaine sur grand écran.
La scène inaugurale dans le tribunal, d'une redoutable intensité, faisant suite au prologue tragique, pose le film sur les rails de la Grande Fatalité.
Là où Scarface dépeignait en le détournant le "rêve américain" version gangster cubain, Carlito's Way trace l'implacable Destin d'un criminel endurci portoricain, qui à trop respecter le code de l'honneur qui remplace la Loi dans la rue, se retrouve entraîné dans le classique engrenage latin de la Vendetta.
L'Amérique des rues de New York, où tes potes ne sont pas tes potes, où juifs, portoricains, italiens, wasps, gangsters, avocats flics et procureurs se font la guerre sans fin, assoiffés d'argent facile, de pouvoir, de sexe et de domination, aura raison de Carlito et ses principes.
Peu après les Affranchis, De Palma signe un film autrement plus juste sur l' évolution de la criminalité aux EU à cette époque, un changement d'ère qui fait des ravages dans les rangs de petits soldats comme Carlito.
De Palma réussit le tour de force de mêler références au film noir, propos réaliste à la façon Nouvel Vague, et sens latin du Tragique. En 1993, le cinéaste est la veille d'imploser en plein vol après le méga succès de Mission Impossible. Saluons le petit maître quand il tenait encore bien la barre de son navire....
Alors que tout est parfait, pourquoi le 10 n 'est pas de mise ?
Parce que le cinéaste ne prend aucun risque, parce que nous savons dès le début que nous avons affaire à un grand film, sans qu'il sache se départir de sa soif d'épater en citant ses Maîtres.
Oser, un mot qui n 'appartenait déjà plus au vocabulaire de Brian à l'orée des années 90 ...
PS: suis-je le seul à penser que la dernière demi-heure du film est sa plus grande réussite cinématographique, filmage, montage, effets visuels, musique de fin, jeux d'acteurs, convergences etc....Il y a TOUT, c'est pas compliqué, et je ne sais pas si un seul cinéaste vivant est capable de faire aussi "bien".