L'Impasse, sorti en 1993, est l'adaptation d'un roman d'Edwin Torres, Carlito's Way (le tire du film dans sa version originale). Un choix plutôt en phase avec la situation familiale du réalisateur, incapable de concilier sa vie privée et sa carrière de réalisateur. De Palma est finalement semblable au personnage principal de son film : Carlito Brigante, un ancien truand qui souhaite prendre définitivement sa retraite après avoir purgé une peine de cinq ans de prison, peine à fuir un passé qui cherche constamment à la rattraper. Carlito, joué par l'immense Al Pacino, reprend ici un rôle similaire à celui qu'il campait déjà dans Scarface. Toutefois, oublions Tony Montana et sa sanglante quête de gloire. Ici, Carlito est un homme en perte de repères, à la recherche d'une forme de rédemption dans la poursuite d'une activité honnête, très loin du trafic de drogue.
Le film est profondément fataliste et cela dès sa scène d’ouverture (que je vous laisse découvrir). Portée par le magnifique monologue de son personnage principal et la musique de Patrick Doyle, le ton tragique du film est tout de suite donné : De Palma filme la chute d’un personnage, à la fois triste et poétique, mais néanmoins inévitable.
On retrouve (presque) tous les éléments de la réalisation propre à De Palma, avec entre autres, les nombreux ralentis, les plans très souvent cadrés en biais et le plan séquence. La mise en scène cherche à créer une tension permanente : Carlito doit se méfier de tout pour survivre dans un monde rongé par la drogue qu’il cherche à fuir. L’atmosphère est poisseuse, anxiogène. Elle fait transpirer l’image d’un sentiment d’insécurité constante, face au passé de Carlito qui peut le rattraper à tout moment.
L’Impasse est une œuvre qui propose de très grands moments de cinéma. Certaines scènes sont jouissives en termes de mise en scène : séparées de leur contexte, elles peuvent tout à fait raconter leur propre histoire, comme des court-métrages dans le film. Je pense surtout à la scène finale, une longue course poursuite dans le Grand Central Terminal, qui vous maintien en tension de bout en bout, jusqu’à son plan de clôture à la fois beau et déchirant. La sublime musique de Patrick Doyle porte également chacune de ces scènes et mérite sans aucun doute une seconde écoute pour les revivre autrement. C’est une grande bande-originale à mes yeux.
En somme, L’Impasse est un des meilleurs films de Brian De Palma. Une œuvre forte sur le plan émotionnel qui nous marque par son portrait touchant, mais profondément fataliste, de son personnage principal en quête de rédemption. C’est aussi un chef-d’œuvre de mise en scène porté par un casting mémorable et une magnifique musique, haletante et très forte en émotions.