C'est le premier film en couleurs de Kenji Mizoguchi et il est d'une absolue magnificence.
L'action se déroule dans la Chine du VIIIème siècle, sous le pouvoir de la dynastie Tang. La fluidité du premier plan circulaire introductif, à l'intérieur du chatoyant palais impérial donne le ton : La maîtrise de la couleur, subtil équilibre de lumières et d'ombres sublimera la totalité du film.Le film débute (et se conclura) par une scène intime: deux personnages masculins, père et fils, sont hantés par la perte de l'aimée. Là, une voix off exprimera la vivacité des sentiments devant une statue de la disparue, là, la musique se fera mélancolique contemplant l'estampe de l'absente. L'oubli d''incarner à cet instant le pouvoir rend ces personnages à leur humanité. Puis le film se recentre sur son véritable sujet: une réflexion amère et lucide sur le pouvoir. L'empereur est lui-même prisonnier d'un protocole strict d'obligations. Pourtant « Le bonheur n'est pas dans la puissance » exprime-t-il. Autour de lui, chacun essaie de gravir les échelons sociaux afin de s'approcher toujours plus près du pouvoir suprême, quitte à utiliser les femmes pour faciliter leur ascension. La subtilité dans la façon de mener l'histoire est un enchantement. Le monde extérieur offre de véritables morceaux de bravoure ; la fête des lanternes du jour de l'an est animée par une caméra mouvante, caressante, qui avec calme englobe tous les épisodes de la fête ; c'est à elle seule un grand moment de cinéma. La scène où les soldats rebelles traversent le champ en diagonale est épique. L'histoire d'amour au présent est magnifiquement menée, comme un passage dans une atemporalité. La métamorphose de l'impératrice surprend à chacune de ses apparitions. A cela il faut souligner l'extrême beauté des costumes et le jeu avec leurs couleurs, ainsi que l'importance de la musique, toujours pertinente. Un des plus beaux films qu'il m'ait été donné de voir.