Le tire-larmes suprême !.. Le film le plus triste que j'aie jamais vu, qui narre l'histoire d'un enfant, fils du consul d'Angleterre à Florence, confronté à la mort de sa mère et dont le père, trop occupé à protéger son cadet, passera complètement à-côté de sa douleur, conduisant à la tragédie inéluctable... Jamais film ne m'avait plus bouleversé ! Les personnages sont décrits avec une sensibilité et une empathie peu commune, dans l'ombre d'une absence insurmontable (comme souvent dans les films italiens remarquons [westerns compris]). La caméra participe largement à cette empathie : entre les superbes paysages de la campagne florentine et les impénétrables obscurités de cette demeure trop opulente, nous nous plaçons au même « niveau » que le héros, Andrea, passant souvent de la plongée à la contre-plongée pour montrer l'ambivalence et l'inconfort de sa position : nous sentons tous ses battements de cœur, toute sa tristesse, toute sa tendresse, tous ses espoirs... Et nous sommes d'autant plus bouleversés qu'aucun personnage (à part peut-être un totalement secondaire) n'est détestable en soi : tous peuvent être compris, tous s'aiment profondément, mais aucun n'empêchera le drame... Milo, pour commencer, a la cruauté et l'égoïsme de l'enfance mais à aucun moment ne cherche à faire mal à son frère qu'il adore et qu'il vénère (la relation entre les deux frangins est l'une des plus justes et des plus touchantes que j'aie vues...). Le Consul, lui, cherche à surmonter sa douleur et à protéger celui de ses fils qu'il juge le plus fragile, mais ce faisant il passe tellement à-côté de son aîné qu'il devient son bourreau, sans même s'en rendre compte... « Aucun personnage n'empêchera le drame » ais-je dit ?.. Pourtant il y a un personnage « christique » dans ce film : celui qui va tout comprendre du drame qui se joue et qui saura quoi faire pour l'empêcher. Et ce personnage, c'est celui que personne n'attend à-priori : l'oncle des garçons, frère du Consul, alcoolique rougeaud et sarcastique, mais qui va, par son humour, sa finesse et son intelligence, remettre la famille en place, comme par miracle.
Mais vers la fin l'émotion revient de plus belle et le film réussit un coup de génie qui « bloque » le public, qui l'empêche de détourner les yeux : au fur et à mesure la musique, déjà entre-entendue au début, devient de plus en plus importante et se « pose » sur l'ensemble pour sceller définitivement cette œuvre dans les larmes : cette musique, c'est l'Adagio du Concerto pour piano n°23 de Mozart, dont les notes prennent progressivement le souffle d'Andrea, comme si lui, le piano, rejoignait dans une étreinte mystique l'orchestre de sa vie : sa mère. Déchirant, bouleversant, L'Incompris est un film somptueux, aussi personnel qu'universel : une idée de la tristesse absolue...