Film assez plat, à la réalisation digne d'un téléfilm ou d'un docufiction. A moins de connaître déjà l'affaire Elf on ne comprend pas vraiment de quoi il retourne, tout est délivré par bribes, entre rétrocommissions, corruption, implication de la CIA et j'en passe. On comprend tellement peu qu'on en arrive à se prendre de compassion pour le personnage de Berléand, face à cette juge inflexible qui le prive de soins et le traite sans ménagement. Surtout que le film nous montre bien qu'il n'est qu'un rouage dans ce mécanisme et qu'il ne fait qu'obéir aux ordres de plus haut. Les gros poissons sont d'ailleurs assez caricaturaux : politiciens ventripotents enchaînant les cigares et les verres d'armagnac, sûrs de leur impunité et tirant toutes les ficelles. Jamais ils ne seront inquiétés : à quoi bon tout ce charivari finalement ?
On est aux antipodes des films d'investigations à l'américaine, rythmés par les révélations successives. Ici on ne voit pas l'enquête progresser, tout le travail de la juge se passe hors caméra, hormis quelques auditions. On apprend parfois vaguement au détour d'une conversation qu'elle a eu certaines informations, mais ça s'arrête là. On ne voit pas non plus très bien ce qui fait courir cette juge : ni l'argent, ni la reconnaissance, non, rien ne l'atteint, tout ce qu'elle veut c'est être efficace dans son métier, faire appliquer la justice… sauf qu'à la fin, lasse, elle envoie tout promener. Parce que tout est pourri, ou parce que le travail a été fait ? A voir.
Comme ça a été beaucoup souligné, le nom de la juge, Killman, est lourd de sens. Elle s'attaque à un monde entièrement masculin. Ici les femmes ne comptent pas, et c'est qui va perdre les hommes : entre maîtresse vengeresse et juges hargneuses. Le personnage de Killman reprend certaines critiques qui avaient adressées à Eva Joly avec ce côté castratrice imbue d'elle-même et de pouvoir. Ça rappelle un peu La Cérémonie, avec ces femmes qui jouissent d'avoir enfin le pouvoir de se venger des hommes et des puissants.
Par ailleurs, je ne comprend pas l'intérêt du personnage du neveu. On s'imagine parfois qu'une idylle va naître avec Huppert, mais non, il vivote dans les environs, apparaît, disparaît, n'apporte rien, n'évolue pas… Tout lui réussit mais il ne veut rien faire. Passé par l'ENA on se dit qu'il pourrait apporter un éclairage aux mis en cause, mais non.