Que ce soit quat’ sous en français ou drei Groschen en allemand, le compte n’y était pas pour le parti nazi qui a banni le film deux ans après sa sortie. Ce n’est pas ça, la surprise. La surprise, c’est de découvrir que, oh, l’Allemagne existait avant la Seconde Guerre mondiale & que, oh, elle était capable d’art & de promouvoir la paix – même avec un ton très acerbe.


Pabst ne le savait pas encore, mais il sauvait Brecht de l’impérialisme artophobe, bénéficiant de la très courte liberté qui fût celle des premiers films parlants allemands. En 1931, le pays avait pansé les plaies les plus profondes que lui avait infligées la guerre &, la restauration cinématographique n’eût-elle pas existé, on passerait aujourd’hui à côté de la dernière dose d’insouciance que la nation connut avant que tout partît de nouveau en vrille. Quelques années de frivolité où l’on se sentait encore d’humeur suffisamment internationale pour tourner en allemand dans un prétendu Soho (un mélange qu’il faudra des décennies avant de voir renaître), osant même faire un jeu de mots anglo-allemand avec le nom de Brown. Pour ceux que cela gêne, la version française (tournée simultanément) existe aussi, ce qui conviendra mieux aux têtes d’affiche Albert Préjean et Florelle.


On comprend l’âme de ce qui a inspiré Allen pour son Ombres et brouillard, ce retour un peu sordide vers une mendicité qu’on élève au rang de thème, ou pire : dont on élève la création-même puisque l’opéra de quat’ sous est le milieu d’où un artiste de foire chante & crie l’histoire de Mackie Messer, bourgeois criminel londonien.


On n’est pas vraiment dans le domaine expressionniste, sauf par touches, par contre l’expression au sens propre garde toute la force que l’ère muette lui avait déjà trouvée. On s’attend à cause de l’âge du film à un faux scénario qui ne voit pas très loin selon nos standards, mais Pabst sort d’une époque qui a eu pour mérite (pour autant que l’exégèse est concernée) d’être fugace. Non contente de mettre en évidence l’attardement que le nazisme fit subir à la culture, l’œuvre nous révèle le terreau gâché & méconnu dont son burlesque est issu.


Le résultat, s’il est abrutissant comme un film bavard des années trente le garantit quasiment – surtout avec une ambiance à la Dr. Jekyll –, évoque tout sauf l’ennui d’un son que, supposément, on commençait à peine de maîtriser. Diantre, son & montage sont à peine témoins de leur âge et l’œuvre saura être remémorée pour un bout d’histoire quasiment féministe qui arrive déjà à faire porter le film à une actrice.


Quantième Art

EowynCwper
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le 13 janv. 2020

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Eowyn Cwper

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