Sans doute jamais le désert et les canyons de l'Arizona et de l'Utah n'ont été gratifiés dans un western d'autant de séquences, de vues aériennes, panoramiques, plongeantes, anguleuses, de vues du haut, du bas, de côté, avec des plans sur leur poussière, leurs anfractuosités, sur les points d' eau, les rivières, etc. etc. Avant même le final de destruction - encore plus spectaculaire que toute cette succession - le paysage nous a époustouflé à plusieurs reprises pendant le film, d'autant plus que le chef opérateur est le grand Joseph MacDonald, qui ne néglige pas pour nous les différentes lumières possibles, du plein soleil à l'aube, au crépuscule et à la nuit.
A un moment, on se rend compte avec étonnement - comme moi en le revoyant aujourd'hui - que c'est le paysage qui est le vrai héros de cette histoire mal narrée, mal jouée, mal articulée, vraiment mal soignée par un réalisateur et un scénariste (Carl Foreman) qui nous ont déjà donné beaucoup mieux dans d'autres films.
Cependant, je suis sensible à ceci : pour moi un paysage n'est interessant que si des humains ou des animaux y sont visibles, le traversent, lui donnent du relief (je ne peux même pas prendre une photo sans la trace d'une présence vivante quelque part dans l'image). Aussi je comprend bien qu'une histoire humaine, même modeste, est utile et nécessaire pour agrémenter le décor et qu'ici l'agitation des personnages à la fois emphatique et mécanique est là pour ça.
Quand on prend conscience de cela, de cette inversion des valeurs du film (décor versus intrigue) notre exaspération est suspendue.
Ce n'est plus aussi important que Gregory Peck, Elli Wallach au début et Telly Savallas plus tard en fassent le minimum, il suffit qu'ils soient là pour agrémenter le filmage du paysage.
Ce n'est pas si grave que Lee J. Cobb, Edward G. Robinson, Raymond Massey et quelques autres acceptent d'apparaître dans des cameos sinistres, ils sont les faire-valoir du décor.
Et qu'Omar Sharif en bad guy (Colorado !) soit bien le seul acteur qui se démène vraiment, tout en s'amusant plus qu'en jouant, pourquoi pas ?
Ils sont réunis de maniere invraisemblable et hors de la loi par la soif de l'or dans le désert : shérif, tueur mexicain, apaches dévoyés, commerçant, juge, femme blanche kidnappée et femme indienne balafrée (rivales bien sûr, pour Gregory Peck), prêtre, chercheur d'or aveugle, etc. Ils échangeront des injonctions et des imprécations, de manière répétitive et lassante mais baste, ils ne sont tous que les comparses anencéphales de notre regard toujours épaté, surpris souvent par la maniere dont nous guident le réalisateur et le chef op dans ces pistes, pentes, grottes, village zuni, bords de précipice, y compris en camera subjective.