Après quelques escapades hollywoodiennes franchement décevantes, Mathieu Kassovitz nous revient dans un film bien français sur une prise d'otages sur l'île d'Ouvéa en Nouvelle-Calédonie en 1988. Les indépendantistes kanaks se trouvent dépassés par les évènements tandis que le capitaine Legorjus (Kassovitz lui-même) tentent de négocier avec eux pour la libération des gendarmes pris en otages. Tout ceci se déroule dans le contexte de l'élection présidentielle de 1988 où Jacques Chirac et François Mitterrand s'affrontent dans l'entre-deux tours. Chaque candidat donnant son avis sur l'évènement sans prendre en compte la réalité du terrain.

Certes, le film est un véritable pamphlet à l'égard des Français : les candidats aux présidentielles prêts à prendre des décisions inconsidérées, un état-major avec des stratèges tous plus incapables les uns que les autres, des soldats se livrant aux pires infamies. Mais le film assume ce côté "rentre dedans" et a le mérite d'ouvrir un placard à fantômes comme il y en a tant d'autres dans l'histoire de France. On regrettera simplement les pensées un peu grossières et caricaturales par moments du capitaine Legorjus - Mathieu Kassovitz en voix off, dont on se demande qui parle en réalité (le personnage ou l'acteur ?) quand on connaît les prises de position de notre rebelle français.

Pourtant assez long (près de 2h15), le film passe relativement vite. On est extrêmement bien plongé dans les négociations du capitaine avec les Kanaks, avec l'état-major, avec les relais du pouvoir... Le personnage de Legorjus est assez magistralement mis en relief : on y découvre un homme complexe, contrarié, piégé entre les maladresses d'Alphonse Dianou (chef des preneurs d'otages) et les exigences de l'état-major. On y découvre la rivalité entre la gendarmerie et l'armée. On se questionne sur la méthode à adopter : la négociation avec le GIGN ou la brutalité de l'armée ?

Le tout est très réaliste et Kassovitz montre une véritable aisance à la réalisation qu'on ne lui connaissait pas. Le plan-séquence sur la reconstitution de la prise d'otages et l'assaut final sont des scènes marquantes, très bien ficelées et réfléchies, et véritablement innovantes. Quant au reste de la distribution, chacun tient son rôle de façon assez convaincante. Mais le récit est bien évidemment centré sur Kassovitz qui porte toutes les casquettes pour ce film (réalisateur, acteur, producteur, scénariste, monteur).

Sans doute Mathieu Kassovitz n'a-t-il pas réussi à faire son "Apocalypse Now". Mais il n'empêche que c'est une très belle réussite dans un genre où le cinéma français n'excelle que très rarement.
potaille
7
Écrit par

Créée

le 4 déc. 2011

Critique lue 681 fois

8 j'aime

potaille

Écrit par

Critique lue 681 fois

8

D'autres avis sur L'Ordre et la Morale

L'Ordre et la Morale
Heisenberg
2

L'ordre est amoral

Exaspérant. Dommage car l'ouverture était plutôt alléchante, fut-elle deux minutes perdues au milieu de 2h16 d'un film interminable (ou minable tout court d'ailleurs). L'ordre et la morale c 'est une...

le 8 nov. 2011

24 j'aime

14

L'Ordre et la Morale
LeBlogDuCinéma
8

Critique de L'Ordre et la Morale par Le Blog Du Cinéma

L'ordre et la morale vient confirmer une nouvelle tendance dans le cinéma français cette année, après L'Assaut ou Omar m'a tuer, celle d'enfin regarder son histoire (récente ou pas) en face et de la...

le 10 sept. 2011

20 j'aime

1

L'Ordre et la Morale
Gand-Alf
8

Kasso ressuscité.

Après une expérience hollywoodienne absolument désastreuse, Kassovitz nous revient enfin avec un projet qui lui tenait à coeur depuis longtemps. Basant son film sur les mémoires du véritable...

le 1 mai 2012

18 j'aime

1

Du même critique

Man of Steel
potaille
5

Au cœur du darwinisme et du créationnisme : le mythe américain de Superman

Ringardisé par cette image de scout en slip rouge, Superman n’a que trop rarement eu de bonnes histoires dans les comics, à la télévision ou au cinéma. Premier super-héros de l’histoire, créé en juin...

le 21 juin 2013

64 j'aime

20

Cloud Atlas
potaille
10

L’amour, la révolte et la liberté

Les désormais frère et sœur Wachowski se sont associés avec Tom Tykwer (« Cours, Lola, cours ») pour porter au cinéma l’inadaptable roman de David Mitchell, « Cloud Atlas », publié en 2004. Du XIXe...

le 19 mars 2013

56 j'aime

11

Le Hobbit - Un voyage inattendu
potaille
9

Le Hobbit ou la poésie épique et onirique de Tolkien adaptée au cinéma

Il est assez aisé de blâmer ce premier opus de la nouvelle trilogie de Peter Jackson tant le conte, car c’en est un, du Hobbit débuté au début des années 1930 au revers d’une copie d’examen de...

le 13 déc. 2012

51 j'aime

16