Triste constat : Marnier régresse de film en film. Celui-là sonne faux du début à la fin et donne l'amère impression d'avoir été fait pour appâter le chaland plutôt que par envie de raconter et de montrer quelque chose. Parce qu'au-delà d'une montagne de clichés et de rebondissements invraisemblables, il n'y a guère à en tirer. Ne serait-ce que le titre, "l'origine du mal", n'a aucun sens, si ce n'est de rappeler celui de l'un des plus mauvais Chabrol (La Fleur du mal) auquel il est pourtant bien inférieur... Et qu'on ne me parle pas de mise en scène : ce n'est pas parce qu'une mise en scène se voit qu'elle est belle, et il ne suffit pas de faire des split-screens pour être De Palma...
Mais surtout, à force de vouloir embobiner le spectateur plutôt que de creuser ses personnages, il se dégage de ce film un nihilisme assez terrifiant. Car il n'y a vraiment personne à sauver dans ce cloaque, il n'y a pas un moment de vérité, d'ambiguïté, chez qui que ce soit. Chaque être est une pourriture unidimensionnelle. Même l'ado soi-disant rebelle n'est pas rebelle pour un sou. Quant au personnage incarné par Suzanne Clément (une espèce de martyre des temps modernes), il est tellement bête et primaire qu'il en devient antipathique. À la rigueur, je trouve que Dominique Blanc est celle qui s'en sort le mieux malgré un rôle caricatural à souhait de bourgeoise désoeuvrée. Quant à l'engeance Stéphane (Laure Calamy)-George (Doria Tillier), elle donnerait presque envie d'épouser la cause du masculinisme, et ce en dépit du tombereau de tares dont est accablé l'abominable pater familias (Jacques Weber)...
Plutôt que du sous Chabrol, L'Origine du mal serait un équivalent français du pire de David Fincher, où la manipulation du spectateur se fait au prix d'une simplification à outrance des personnages, tous plus cyniques les uns que les autres - mais la noirceur sans nuance n'est pas la lucidité : il n'y a qu'à voir Le Messager de Losey (sur le même thème de la différence de classes) pour le comprendre.