« L’origine du monde » est l’adaptation d’une pièce de théâtre de Sébastien Thiéry dans laquelle un quadragénaire bobo, marié mais fortement ennuyé, se rend compte que son coeur ne bat plus. Dans le but de comprendre ce mystère que même son meilleur ami vétérinaire n’arrive pas à expliquer, il rencontre sans convictions la coach de vie holistique de sa partenaire. La sentence de celle-ci est sans appel ; il lui faut une photo du sexe de sa mère afin de le sauver d’une mort imminente… Servi sous la forme d’un vaudeville, cette comédie surréaliste, première réalisation du comédien Laurent Lafitte, déjoue les codes de la comédie pépère à la française pour se rapprocher d’un humour noir et transgressif, non dénué de métaphores. Au commencement, on traverse le cosmos avant de percer l’intimité d’un coït raté. De là apparait l’égarement du personnage principal, vivant machinalement une existence calquée sur un quotidien répétitif. Il s’emmerde et son coeur le lâche. L’absurde nait et la quête de la fameuse photographie vaginale ne va faire qu’empirer la gêne, la provocation, la vulgarité et l’audace du film ! J’ai rarement eu l’occasion de voir autant de prise de risques et de lâcher-prise dans une comédie française. On rit beaucoup, parfois dérouté face à la tournure du scénario et face au jusqu’au-boutisme des acteurs. Malgré le côté graveleux et des répliques parfois trop écrites, les performances sont subtiles et l’égoïsme et la cruauté des personnages ne sont pas une barrière à notre plaisir. Au contraire, on se demande jusqu’où ce trio de tête odieux et sans morale est capable d’aller. Laurent Lafitte, Vincent Macaigne et Karin Viard dynamitent la bienséance habituelle et tourmentent la pauvre Hélène Vincent, en mamie désoeuvrée, mais bluffante dans l’acte final. Nicole Garcia, en gourou manipulatrice, tire elle aussi son épingle du jeu ! Enfin, appuyée par quelques scènes oniriques qui sortent du lot, la symbolique freudienne et oedipienne qui se cache sous cette large épaisseur comique ouvre à la réflexion tabou du lien filial à la mère. On peut aussi y voir une critique du business derrière le monde controversé de l’occultisme et des méthodes parallèles. Les bourgeois parisiens en prennent également pour leur grade. Pour ses séquences comiques et osées de haute volée qui se succèdent sans temps mort, et pour ses interprètes, « L’origine du monde » est l’un des temps forts de cette rentrée…