Faith (Diane Keaton) et George (Albert Finney) vivent de façon bourgeoise dans une grande maison sur un vaste terrain. Ce pourrait être l’image du bonheur. En réalité, si la maison est animée c’est par les bavardages des enfants (4 filles dont la plus âgée doit avoir 13 ans maxi) avec leur mère. Le père rumine son malaise. Et, quand il cherche le dialogue cela se termine par de la casse.
Alan Parker choisit de commencer le film alors que le couple est déjà au bord de la rupture. Le spectateur aura néanmoins une bonne idée de ce qui cloche. Ce qui intéresse le réalisateur, c’est de montrer que lorsque la situation se pourrit, il suffit d’un rien pour dépasser le seuil de tolérance et provoquer la séparation. Intelligemment, il s’arrange pour que les torts soient partagés. Et puis, dans le corps du film il montre les conséquences d’une décision prise à chaud qui finit par dépasser ses protagonistes. En bon connaisseur de l’âme humaine, il fait sentir que la vie va toujours de l’avant, que tout acte à ses conséquences et qu’on ne peut jamais revenir en arrière. Bien sûr, les souvenirs entrainent des regrets et des bouffées d’espoir (Faith = Confiance). La situation ici n’est pas celle d’un écœurement, plutôt d’une explosion qui n’empêche pas les sentiments de perdurer. S’il fallait en tirer une sorte de philosophie de la vie, ce serait que l’homme et la femme ne sont pas faits pour vivre ensemble. Hypothèse pessimiste mise à mal par leurs natures qui les pousse néanmoins les uns contre les autres, en dépit des tentatives infructueuses. Nul n’est irremplaçable, ce qui n’empêche pas la douleur de la perte. Perte de l’être cher (mort, séparation), perte des relations (les gestes, la complicité, etc.) et celle terrible, car inavouable, de cette compagnie allant au-delà de l’attachement sentimental pour tourner à l’appartenance.
Le film est donc assez désespérant. L’animation du début n’est qu’une impression de surface, l’hypocrisie un moyen de retarder l’échéance. La confrontation avec la réalité va mettre au jour de nombreuses tensions, de plus en plus fortes.
Tout cela est donc d’une vraie justesse, filmé avec pas mal de sensibilité. Malheureusement l’histoire on la connait par cœur. Certes, Parker évite le gros mélo façon Kramer contre Kramer (Robert Benton – 1979). Mais le scénario (signé Bo Goldman, oscarisé pour Vol au-dessus d’un nid de coucou) fait la part trop belle à des longueurs (le film fait 2h04) qui nuisent essentiellement au début et à la fin. La longue soirée qui précède la rupture accumule les détails sur la vie de famille, mais les 4 sœurs sont assez exaspérantes avec leur mère (on devine les futures séances chez le psy). On remarque que le père a sans doute sa préférée parmi ses filles. On se demande néanmoins comment il a pu trouver le moyen d’écrire un livre entouré de 5 représentantes aussi typiques du sexe féminin (bavardes, infatigables, joueuses, etc.). Il est fort possible que ce ne soit pas son vrai gagne-pain. On en vient à remarquer non sans agacement le train de vie de cette famille (qui laisse pourtant les petites seules pour la soirée dans cette grande maison), avec leurs préoccupations de nantis. Puisque l’argent est le nerf de la guerre, on ne comprend jamais comment ils peuvent s’en tirer. Si George trouve naturellement un hébergement, Faith non seulement garde la maison mais fait une grosse dépense en faisant construire un terrain de tennis dans le jardin. Est-ce le genre de dépense qu’on engage alors qu’on vise le divorce ?
Bref, après la valse-hésitation sentimentale, entretenue par la volonté de conserver des relations normales avec les enfants, on tient un discours apaisant pour conserver une vraie dignité : comportons-nous en adultes et tout le monde peut rester ami. Quelle naïveté. Alors oui, le scénario réserve un sacré bouquet final, même si de nombreuses scènes feraient des fins parfaites. La fin surprend et fait mal, car si les masques sont enfin tombés, tout le monde est groggy y compris le spectateur.
On comprend qu’ici le britannique Alan Parker joue sur sa réputation (établie depuis Midnight express - 1978) pour faire un film qui le touche personnellement (pas que lui d’ailleurs, puisque Diane Keaton avait son vécu douloureux). La question de la rupture dans un couple touche le spectateur, puisque si toutes les expériences se ressemblent, chacune a ses caractéristiques propres. Le vrai défaut (handicap ?) de ce film est de trop se concentrer sur les conséquences pénibles voire désastreuses, jusqu’au cataclysme final. La sensibilité est plombée par la pesanteur des situations. De plus, les enfants sont à mon avis trop longtemps montrés comme un groupe indissociable, un peu comme une portée de jeunes chiots inséparables.
Point positif, le visage de Diane Keaton exprime bien ce qui peut la rendre si chère à son mari quand (trop rarement) il s’illumine, alors que fermé il présente un mur d’indifférence. La BO utilise des titres mélancoliques qui conviennent bien, avec notamment les Rolling Stones et les Eagles.