Mon tout premier Spi... non, que dis-je, il y a déjà eu Inside Man. C’était un thriller fort sympathique, mais je rattache un tel verdict à son dénouement typé « twist », car pour le reste, c’est le vide complet : impossible de me résumer le film, un trou de mémoire ayant de beaux jours devant lui m’affectant. Mais, au moins, il aura eu pour mérite de remettre en perspective la réussite qu’est 25th Hour, à l’heure même où j’écris ces lignes.


Pourtant, j’ai le sentiment que je ne retiendrai pas que du bon le concernant, ou tout du moins faudrait-il qualifier le montage de Spike Lee d’étrangeté : comment expliquer en ce sens pareilles successions de cuts hachés, multipliant les angles de vue dans un même élan, au point d’alourdir inutilement nombre de séquences ? Si la démarche demeure intrigante en l’état, toujours est-il que le ressenti au visionnage se trouve tiraillé entre l’incompréhension et la circonspection - où réside l’intérêt ? J’ai beau retourner la chose dans tous les sens, qu’il s’agisse d’une approche esthétique et/ou de fond, cela m’échappe encore et encore. Mais passons.


Quitte à poursuivre dans une veine purement formelle, notons malgré tout que 25th Hour est un bien bel objet : il y a d’abord la superbe photographie de Roberto Prieto, dont le grain composant l’introduction du film saute littéralement aux yeux. Si Spike Lee semble avoir ses humeurs, gageons également qu’il n’est pas un manche, celui-ci se fendant d’un évident sens du cadre au service de ses personnages, entités incontournables de ce récit complexe ; enfin, la BO de Terence Blanchard épouse à la perfection les formes d’une New York City grave et mélancolique, théâtre de bien des drames.


Quant à son main business, le contexte de production de 25th Hour n’augurait que du bon sur le papier : avec David Benioff à la plume de ce scénario adapté d’un roman de... David Benioff, l’on comprend mieux comment les dernières 24h de liberté de Monty Brogan parviennent à susciter autant en si « peu » de temps. Ayant tôt fait de balayer toute once de circonspection, le film nous dépeint avec une certaine maestria les contours d’une rédemption suspendue à un background savamment anti-manichéen : tout l’intérêt de la chose étant de placer le spectateur dans une position naturelle d’empathie, mais sans aller jusqu’à dérouler un discours complaisant.


Bien au contraire, tandis que la narration use sans fioritures de flash-backs éclairant les dessous d’une descente aux enfers bien entamée, le long-métrage n’aura de cesse d’osciller dans un entre-deux propice à la réflexion : comment « accompagner » Monty dans ce qui s’apparente, de facto, à une étape bouleversante de son existence ? Comment juger de la valeur morale, sociétale et légale d’un acte supposément condamnable ? Comment mesurer le bienfondé d’un dénouement parmi tant d’autres ? Que d’interrogations au sein d’une équation insoluble, 25th Hour prenant grand soin de maintenir l’ambiguïté dans son propos... qui n’en est finalement pas un.


Sans jamais se perdre en chemin, le long-métrage s’apparente à un savant brassage de diverses thématiques, une peinture faisant sien les aléas de l’échelle sociale, les liens du sang et l’amitié : les affres de l’existence en somme, Monty endossant le rôle de porte-parole à la recherche de l’insaisissable équilibre. Car du déni acerbe, quitte à remettre en cause jusqu’aux composantes socioculturelles d’une New-York ouverte sur le monde, à la résignation et l’acceptation, il n’y a qu’un pas : un pas long de quelques 24 heures, une brève mais dense progression embrumée, sans repères ni espoir de lendemain.


À ceci près qu’au milieu de cette errance peu jouasse, 25th Hour nous laisse entrevoir une esquisse de réponse : l’écriture des protagonistes, excellente, brosse en ce sens des portraits remarquables, parfaitement incarnés par une brochette de talentueux comédiens (Barry Pepper, notamment, qui avec son petit air de Matthew McConaughey porte Frank aux antipodes de l’unidimensionnalité que l’on pouvait lui prêter). Au gré d’une trame malmenant avec justesse ces quelques âmes tiraillées, le film brode autour d’un Monty charismatique (l’effet Edward Norton) une toile humaine éminemment profonde, jamais statique et, de fil en aiguille, inoubliable.


Un sentiment transpirant à n’en plus finir dans le monologue, rêveur, de James Brogan (Brian Cox) : une conclusion d’ailleurs remuante comme pas deux, 25th Hour nous délivrant dans un ultime souffle une alternative certes magnifiée, mais ne devant pas nous faire oublier que pareil scénario, aussi idyllique soit-il, brille également d’une imperfection immuable. Un constat fataliste, mais apaisé, collant d’ailleurs bien à ce qu’inspire le long-métrage dans sa globalité : un drame bien écrit, des personnages touchants, quelques fausses notes dans le premier acte et, encore lui, un montage décidément saugrenu.

NiERONiMO
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le 8 août 2018

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NiERONiMO

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