"The guy's going to hell for seven years, what are we going to do? Wish him luck?"

Une première idée forte suggéré par le visionnage du film est la proximité avec "American History X" de Tony Kaye, Alan Smithee et David McKenna, dont la géniale incarnation d'Edward Norton en tant que rôle principal fait justement le pont. Cette idée a été un fil rouge pendant mon visionnage, alors même fil rouge pour ces paragraphes.


Outre les rapprochements évidents dus au genre cinématographique et des ambiances, le lien plus solide que j'y ai perçu est celui du thème abordé, aux accents chrétiens : dans l'ordre ; l'expérience d'une forme de solitude morale et sociale, les réceptacles de la colère et de la frustration, l'intégration de responsabilités, la rédemption.


Cependant, nous pourrions dire que les difficultés dressées devant l'objectif rédemptoire sont bien différentes. Là où Derek (d'American History X) en vient à être troublé dans des convictions par des évènements matériels, une solitude de fait, l'expérience d'une violence parallèle à la sienne ; Montgomery accomplit son voyage justement dans cette "25éme heure" avant de subir ces punitions matérielles. Tout ici se joue dans la souffrance de savoir une punition inéducable; de souffrir par avance de la solitude imposée par la décision de justice. Alors, Monty fait son deuil avant de mourir. C'est cette particularité du récit qui fait du film une œuvre si intéressante, mettre l'emphase sur la vacuité de vivre l'expérience de, pourtant, la liberté et de, pourtant, son entourage et de, pourtant, les heures sensées être encore heureuses avant de subir une sentence.


Cette vacuité et la complexité de faire face à une telle fatalité s'exprime très clairement dans ce dialogue entre les deux meilleurs amis de Monty :


" Jakob :

What do we say to him?

Frank :

We say nothin'. The guy's going to hell for seven years, what are we going to do? Wish him luck? "


Dans le pèlerinage de deuil de Montgomery, les émotions comme étapes défilent logiquement et mécaniquement. L'absence d'émotion préalablement à la réalisation viscérale de son destin ; la suspicion comme échappatoire - de l'ordre de : si je trouve qui est le ou la fautif ou fautive, je pourrais diriger mes émotions sur quelque chose d'extérieur à ma condition personnelle - ; suite à l'échec de cette suspicion, la haine automatique et absurde de tout ce qui l'entoure comme tentative d'exploser ses repères afin de ne plus se situer comme victime - c'est la fameuse grande scène du "Fuck you", se concluant évidemment par "No. No, fuck you, Montgomery Brogan. You had it all, and you threw it away, you dumb fuck!", première étape necessaire à la redemption : l’acceptation. Puis, lentement, la peine, la tristesse, réaliser l'adieu. Finalement, rêver. La seule issue.


Différence fondamentale dans le traitement de ce thème par les deux films :


Dans American History X, la rédemption est montrée comme logique et normale, saine, puisque l'acte incriminant est entièrement condamnable - quand bien même il est montré comme compréhensible et non-gratuit - alors que 25th Hour ne se prive évidemment pas de souligner l'aspect dérisoire de la raison pour laquelle le protagoniste est puni. En d'autres termes la rédemption est ici nécessaire, la "faute" de Monty est montrée comme disproportionnée par rapport au deuil central du film.


Toutefois, les deux films mettent l'accent sur 1/ la fatalité de souffrir malgré la rédemption 2/ l'importance des repères dont chaque changement peut être sujet de détestation lorsqu'on est troublé : dans les deux histoires, les villes respectives sont actrices de la haine gratuite comme réaction à une blessure autant que repère apaisant une fois les protagonistes pacifiés 3/ les subtilités des relations humaines dans ce cadre narratif, les relations à la famille, aux amis et aux amours.


Défaut cependant, comme certains peuvent reprocher à American History X - avec plus ou moins de raison - d'être facilement démonstratif et fascinant, voire consensuel, nul doute que 25th Hour souffre de sa fin aux violons interminables et de larmoiement père -> fils forcés à coup d'insistance sur "ce qui aurait été un meilleur monde" dont la mise en scène laisse presque comprendre que l'idée de jouer sur le questionnement de la réalité de la séquence a été abandonnée très vite. Trop théâtral, trop insistant pour un film qui n'a pas fait de la subtilité son mot d'ordre mais plutôt, avant cette scène, son efficacité.

Gwaï
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le 5 juin 2022

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