C'est ce que l'adjudant Wilsdorf répète à plusieurs reprises avec conviction pour conjurer le sort, pour exprimer un dépit de ne participer à des guerres que du côté des vaincus ?
Mais commençons par le commencement. C'est Pierre Schoendoerffer qui est le réalisateur de ce film en 1963 tiré de son propre bouquin. Il s'engage dans l'armée française comme volontaire en Indochine et intègre le service cinématographique des armées où il filmera notamment la bataille de Dien Bien Phu. C'est aussi en Indochine qu'il rencontrera Raoul Coutard qui deviendra son opérateur puis un chef-opérateur et réalisateur bien connu. C'est dire si Pierre Schoendoerffer a légitimité à parler de cette guerre d'Indochine qu'il évoque dans plusieurs de ses films avec passion et nostalgie.
"La 317ème section" évoque les six derniers jours d'existence de cette section occupant un poste au Laos et devant se replier plus au sud pour rejoindre une colonne qui devait monter prêter main forte à ceux de Dien Bien Phu. Alors qu'ils sont cernés par le Viet-Minh, ils apprennent la chute de Dien Bien Phu qui signe la défaite à court-terme de la France en Indochine. C'est une différence notable du film par rapport au roman qui accentue l'aspect tragique du périple de la section dans le film. En effet dans le roman, les derniers jours de la section sont bien antérieurs à la fin de la bataille de Dien Bien Phu. Au final, ça ne change pas grand-chose sinon que dans le film, la section "sait" qu'elle ne se bat désormais pour rien.
Pierre Schoendoerffer ne se préoccupe pas de politique, il est militaire et a un devoir à exercer. On ne trouvera jamais sous sa caméra ou sa plume de débats pour ou contre, justifiant ou non la guerre. Par contre, avec passion, il rend hommage à ceux qui sont sur le terrain, risquent leur vie et mènent un combat, ici, sans espoir.
Dans ce film, Schoendoerffer met en scène une section d'une quinzaine d'hommes dont un officier, jeune et inexpérimenté, quatre sous-officiers français et laotien et les supplétifs laotiens. Le jeune sous-lieutenant Torrens (Jacques Perrin) vient d'arriver dans la section et s'oppose à son subordonné l'adjudant Wilsdorf (Bruno Cremer), très expérimenté, engagé "malgré-nous" dans la Wehrmacht en Russie. Mais les deux ont l'intelligence du compromis et parviennent à fonctionner ensemble.
Jacques Perrin, qu'on retrouvera dans "le crabe-tambour" et "l'honneur perdu d'un capitaine" est excellent en jeune officier encore plein de principes mais qui doit apprendre le métier à marche forcée.
Bruno Cremer est très crédible en adjudant qui a une longue expérience et qui a beaucoup trop côtoyé la mort pour savoir qu'en matière de survie, seule compte l'efficacité au risque d'apparaître inhumain ; son jeu face à Jacques Perrin entre vouvoiement et tutoiement est plein de subtilités et de respect face au chef.
En conclusion, film de guerre d'une rare efficacité, tourné au Cambodge, nerveusement, caméra sur l'épaule donnant ainsi une impression d'authenticité presque documentaire. Passionnant.