Il est très compliqué d'accrocher à cette œuvre de Herzog, malgré la captivance promise par des réalisations précédentes. Il va d'abord falloir lutter contre des raccords ultra-nazes (à tel point que j'ai parfois cru qu'on changeait de scène, mais en fait non, il se foutait juste que ça ne colle pas), puis avec les graines d'inutilité semées sur le chemin du spectateur (par exemple lorsqu'un personnage s'exclame d'une évidence dans une micro-scène, ou qu'un plan finit sur un chien. Pour rien p**ain du tout).
La première moitié du film se passe dans une Allemagne minée par la racaille et l'ennui ; c'est monotone et pas très bien fait. C'est à se demander si ce n'était pas fait exprès au vu de la suite, mais c'était quand même long pour une mise dans l'ambiance chiante. En effet, Herzog va nous faire vivre ce qui reste toujours un fantasme dans les films français : partir. C'est loin d'être tout rose, puisque le voyage est financé à coups de prostitution, mais l'intérêt de l'œuvre va enfin se dévoiler dans les steppes américaines.
Comme seule la grisaille passe à travers la caméra du réalisateur, on a l'impression que le rêve américain va se démonter tout seul quand il sera mis en images. Mais non ! Les images l'entretiennent au contraire. C'est le personnage farfelu de Bruno S. qui va finir par l'égratigner, et pas d'une façon franchement neutre ; il va critiquer le système américain en le comparant de façon tout à fait erronée au nazisme – lui qui l'a connu – car les deux systèmes ont le même effet sur l'individu, si ce n'est que les Américains le font... avec le sourire.
La dernière partie du film part en mode Disneyland ; c'est très lynchéen, frustrant par la forme pourtant irréprochable, mais fascinant par le fond, même s'il souffre en l'occurrence de ne pas être très clair. C'est le globetrottisme de Herzog – qui avait déjà eu le courage de tourner en Amazonie – qui finit par avoir raison de la mauvaise note... Mais de justesse.
Quantième Art