A la croisée de la screwball comedy et de la comédie sophistiquée lubitschienne se trouve Midnight, qui réunit des protagonistes majeurs de ces deux courants: du duo Brackett/Wilder à Claudette "It Happened....ONE NIGHT" Colbert.
Leisen est peut-être arrivé à la réalisation par hasard. S'il n'atteint pas la magie de la Lubitsch touch, il fait admirer une mise en scène au cordeau et discrète, élégante, au service de son sujet et de ses acteurs et un timing comique rigoureux. Il signe là un classique trop méconnu .
Parmi les thèmes classiques de la comédie sophistiquée, on croise régulièrement ces histoires de sans-grades madrés qui se faufilent dans la haute société et en révèlent la vacuité et les mesquineries.
Ici Claudette, une petite danseuse qui rêve de fortune, se retrouve sans un rond à Paris, s'incruste dans une soirée mondaine et se fait passer pour une baronne hongroise en empruntant le nom du beau chauffeur de taxi qui l'a trimballé gratuitement jusque là. Elle y parvient pour le plus grand plaisir et avec la complicité active d'un mari cocu qui y voit là le moyen de reconquérir sa femme, mettant à profit le charme de la fausse baronne, qui fait tourner la tête de l'amant de ladite femme.
Avec un pitch pareil, il suffit à Leisen et ses scénaristes de dérouler leur pelote pour multiplier les situations parfaitement jouissives, les dialogues sont incisifs, plein de sous-entendus et de double sens.
John Barrymore s'en donne à coeur joie, le voir lors d'un récital lyrique assommant s'endormir dans un premier temps puis s'éveiller à l'arrivée de Colbert est un hilarant. Don Ameche est tout aussi excellent. Claudette, no comment, je ne l'ai jamais vu mauvaise.
La construction est très ingénieuse: les personnages évoluent dans un monde de faux-semblants, de pieux mensonges (qui arrangent tout le monde) et lorsque par accident, la vérité apparaît, elle est soit balayée d'un revers de main, soit considérée comme au mieux une excentricité, au pire la dernière des vulgarités et une manifestation intolérable de prosaïsme.
Je peux comprendre que ce ne soit pas la tasse de thé de tout le monde mais ce qui est remarquable, c'est que si le milieu décrit est délicieusement suranné, on ne peut que s'incliner devant la vitalité de cette comédie 80 ans d'âge, et souligner l'intemporalité des situations.
L'époque et le lieu ne fournissent que le décor, l'essentiel du ressort comique, c'est bien cette comédie humaine, les tensions entre les aspirations et sentiments de chacun, les conventions sociales et la façade que l'on compose pour donner le change.