Marcel Perrignon,modeste ouvrier à la recherche d'un véhicule,dégote sur un coup de chance incroyable une magnifique Cadillac qu'il paye une somme dérisoire.Hélas la possession de la luxueuse bagnole ne va lui attirer que des ennuis en cascades et le plonger dans une infernale spirale de mésaventures.Robert Dhéry,le réalisateur et coscénariste du film,est assez oublié aujourd'hui et pourtant il fut entre les années 50 et 70 une énorme star du comique français,que ce soit au théâtre ou au cinéma,avec sa célèbre troupe des Branquignols."La belle américaine",probablement son long-métrage le plus connu,est une délicieuse comédie mêlant burlesque et poésie dans la lignée de Tati et Chaplin.Jouant beaucoup sur la gestuelle et les gags visuels,il s'agit d'une suite ininterrompue et bien rythmée de scènes hilarantes développant une saine réflexion sur la différence entre apparences et réalités.Marcel est un candide,un brave type imperturbable et toujours d'humeur égale en dépit des tuiles qui ne cessent de l'accabler,mais il finit par n'être plus jugé que sur son état de propriétaire de cette foutue tire qui serait en vérité plutôt une Oldsmobile.L'habit fait le moine dit-on,et c'est un peu ce qui lui arrive alors que son statut social,celui de prolo,tranche radicalement avec ce signe extérieur de richesse qu'il trimballe.Les pauvres le jalousent ou tentent de lui taper du fric,les riches le prennent pour l'un des leurs ou le méprisent quand ils se rendent compte qu'il y a maldonne,et il doit constamment naviguer au milieu d'un océan d'obséquiosité,d'envie et de malveillance créé par sa supposée fortune.Pierre Tchernia,coauteur du scénario,n'est pas étranger à l'humour subtil et bon enfant qui baigne le film,dans lequel il tient un petit rôle,le sien puisqu'il incarne un présentateur télé,tout comme le dialoguiste Alfred Adam qui est un des interprètes principaux.Les répliques sont riches en private jokes,Adam se réservant le fameux "t'as le bonjour d'Alfred!" vu que son personnage porte son prénom.Dans le même ordre d'idée Jacques Balutin est un flic qui s'appelle Balutin tandis que le patron d'une usine présente ses cadres à un ministre:"monsieur Diamant,monsieur Berger",allusion au producteur de l'oeuvre Henri Diamant-Berger.Dhéry s'est entouré d'une solide équipe technique comprenant d'habituels collaborateurs tels que le musicien Gérard Calvi,auteur d'une joyeuse partition très en phase avec l'image,ou le monteur Albert Jurgenson,qui effectue un très beau travail en soignant l'enchaînement des nombreuses séquences qui se succèdent.Il y a aussi le grand directeur photo Ghislain Cloquet qui signe un joli noir et blanc curieusement relayé par une scène finale en couleurs,le décorateur Lucien Aguettand qui nous offre une remarquable profusion de lieux variés et le cadreur Pierre Lhomme,futur chef-opérateur célèbre.La distribution est incroyable et des vedettes surgissent de partout,souvent pour de brefs numéros,à commencer par les potes du réalisateur,sa bande des Branquignols,les Colette Brosset,épouse de Dhéry,Louis de Funès dans un double rôle qui annonce ses performances de petit nerveux hargneux avec les faibles et fayot devant les puissants,Pierre Dac,Jacques Legras,Robert Rollis,Jean Carmet,Christian Duvaleix,mais on voit aussi Bernard Dhéran,oui il y a Dhéry et Dhéran,Jacques Fabbri,Annie Ducaux,Jean Richard,Michel Serrault,Jacques Charrier,Roger Pierre,Jean-Marc Thibault,André Badin,Fernand Guiot,Gérard Hernandez,Claude Piéplu,Dominique Zardi,Henri Attal et même le journaliste,animateur télé et illustre auteur de mots croisés Max Favalelli,avec en prime une apparition de Fernand Raynaud jouant son sketch "La bougie" sur un écran de télévision.Et on a là la brigade de Saint-Tropez presque au grand complet car outre de Funès passent devant la caméra Jean Lefebvre,Christian Marin,Guy Grosso et Michel Modo qui se retrouveront trois ans plus tard pour le premier opus des "Gendarme".En plus l'assistant-réalisateur est Tony Aboyantz,qui occupera ce poste sur toute la saga tropézienne,finissant même de réaliser le dernier épisode,"Le gendarme et les gendarmettes",à la mort de Jean Girault.