La Belle Époque par pierrick_D_

Victor,un vieux dessinateur au chômage qui vit aux crochets de sa femme médecin,est un type aigri qui refuse le monde technologique moderne et regrette le passé,notamment sa jeunesse fêtarde des années 70.C'est alors qu'Antoine,un ami de son fils,lui propose de revivre cet heureux temps par le biais des reconstitutions que sa société organise.Il s'agit de vendre à de riches clients des expériences d'immersion historique,genre dîner avec Louis XIV ou réunion dans le bureau d'Hitler,tout étant scénarisé selon les desidarata des clients,joué par des comédiens et réalisé dans des décors d'époque.Voici donc notre vieux birbe envoyé dans le décor du bistrot lyonnais qu'il fréquentait dans les seventies,et revivant sa rencontre avec l'amour de sa vie qui n'est autre que sa femme,incarnée pour l'occasion par Margot,une actrice qui est aussi la copine d'Antoine.Le mec va jouer le jeu au point de s'attacher un peu trop à la comédienne.Depuis qu'il est devenu cinéaste,Nicolas Bedos se veut auteur complet,étant à la fois réalisateur,scénariste et compositeur de la musique de ses films.Il a toutefois cessé d'en être l'acteur vedette comme il l'a fait dans son opus initial "Monsieur et madame Adelman".Il prend ça au sérieux en développant une véritable attitude d'auteur,que ce soit sur le plan thématique ou stylistique.On retrouve ainsi sa prédilection pour l'analyse du temps qui passe,de l'usure du couple et de l'imposture,ainsi que son goût pour les enchaînements rapides et sans coupure avec une caméra qui glisse latéralement pour éviter les fondus au noir,ainsi que pour les narrations chronologiquement éclatées à base de flashbacks.Il faut reconnaître que c'est chatoyant à l'oeil,sophistiqué et original,le gars prend des risques et innove,mais ici,contrairement à "Adelman",c'est moyennement réussi.Les personnages ne suscitent guère d'intérêt ni d'empathie et le dispositif scénaristique respire l'artificialité.D'ailleurs tout le film repose sur l'artifice et on assiste à une sorte de remake à grande échelle d'une formidable émission télé du début des années 2000,le "De l'autre côté du miroir" de Patrick Sébastien,qui n'avait d'ailleurs pas marché.Déjà,l'entreprise d'Antoine ne pourrait pas exister,ce n'est économiquement pas viable.Peut-être que ça a été tenté,n'importe qui essaie n'importe quoi de nos jours,mais ça ne peut pas marcher.Allez trouver suffisamment de gens assez riches et motivés pour faire tourner un truc aussi énorme.Des studios gigantesques,du matos technique de partout,des costumes et des décors de toutes les époques,des tas de comédiens,des scénaristes et des administratifs,ce barnum gigantesque coûterait dans la réalité beaucoup plus cher qu'il ne rapporterait et ruinerait l'entrepreneur,d'autant qu'il faut ajouter à ça les divers impôts et taxes générés par le racket étatique.Sur le fond,il faut que les participants arrivent à croire aux situations,pas évident quand on sait pertinemment que c'est du toc intégral.Ce brave Victor par exemple débarque au milieu d'un contexte qu'il a jadis connu mais avec son esprit et son physique de vieux,alors que les autres autour sont des jeunes,payés de surcroît pour lui jouer la comédie du passé.D'ailleurs les flashbacks chers à Bedos n'en sont pas vraiment ici puisque ces scènes d'antan n'interviennent pas in situ mais par le biais de reconstitutions contemporaines,à la manière d'une pièce de théâtre.L'ensemble traîne un peu en longueur et oscille entre bons moments,situations et dialogues parfois drôles et cyniques,rapports de couples compliqués,et moins bons,manque de crédibilité et de rythme, complexification excessive,sans parler de l'intense stupidité de la gifle infligée au pauvre comédien qui joue Hitler,sorte d'irruption de niaiserie puérile.Des questions judicieuses sont posées,doit-on réfuter le progrès technique?,doit-on vivre dans le passé?,vaut-il mieux une fiction confortable qu'un réel déprimant?,peut-on revivre sa jeunesse?,était-ce vraiment mieux avant?,jusqu'où peut-on aller dans la manipulation de la réalité et de la perception?Il n'y a pas spécialement de réponses à tout ça car elles sont individuelles,chacun gérant ses pensées et ses émotions comme il peut.Daniel Auteuil a l'air un peu largué en vieux schnock à moitié con,mi-acide mi-moraliste,mais les autres sont plutôt bons de Guillaume Canet en deus ex machina survolté à Doria Tillier en actrice rebelle et ratée,de Fanny Ardant en épouse qui en a marre à Denis Podalydès en amant imperturbable,de Pierre Arditi en faux client à Michaël Cohen en fils dévoué.Arditi et Tillier,l'ex de Bedos,étaient déjà dans "Adelman".Notes et critiques de films de Nicolas Bedos publiées précédemment:"Mascarade"-4,"Monsieur et madame Adelman"-7.Moyenne:5,6.