Illustration enchanteresse des idéaux collectivistes de fraternité et de camaraderie de l'esprit du Front Populaire, ce film de Julien Duvivier est aussi une belle démonstration énergisante au visuel stupéfiant.
Réalisé entre La Bandera (1935) et Pépé Le Moko (1937), par un Duvivier au sommet de son art, il intensifie sa collaboration fructueuse avec un Jean Gabin formidablement enjoué et fédérateur, dans ce rôle de Jean dit "Jeannot" il rayonne d'une fougue et d'un allant extraordinaire.
Cette bande de potes fleurent bon l'esprit populaire ouvrier de cette période d'avant-guerre. L'amitié franche et débonnaire au-delà des contraintes. La camaraderie, les rêves qui se transforment parfois en illusion, les amours et les passions secrètes et refoulées, mais aussi les désillusions, les frustrations qui viennent entacher cette période faste et enjouée. Comme le sentiment de la proximité d'une terrible guerre qui quelques années plus tard fera s'écrouler l’Hexagone et les rêves d'avenir enchanteur.
La femme n'est pas montré sous son meilleur jour dans cette œuvre plus complexe qu'il n'y paraît. Tantôt femme-fatale, calculatrice et garce dangereuse, où dans toute son innocence idéale de femme-objet qui déclenche involontairement les déchirements internes. Le trouble au féminin qui anéantit parfois malgré elle la cohésion du groupe viril.
Au-delà des aspects psychologiques ambivalents et des contradictions faites de non-dits et d'illusions illuminées, le film de Duvivier est avant tout une sorte de vision fantasmée d'une époque révolue qui aurait pu tracer un avenir meilleur pour une humanité encore suffisamment immature pour ne pas engendrer les courroux de la destruction.
Une réalisation à l'énergie vivifiante, il faut voir la caméra emportée dans une ritournelle lors des scènes de petit bal du samedi soir, à la modernité éblouissante avec des raccords au visuel parfois esthétiquement bluffant, tantôt trouble, prompt à emporter une adhésion totale où on se laisse aller à cette légèreté qui font s'élever les individus vers ce doux mot : l'insouciance.