La magie de Cinexpérience a encore frappé.
La belle et la meute n'est pas seulement un film sur le viol, c'est un film de garde a vue et sur la difficile transition démocratique tunisienne. Depuis l’immense Garde à vue de Claude Miller, jamais un film sur la pression que peut subir une personne de la part de policiers ne m'avait autant marqué. D'autant plus que dans la Belle et la meute, la personne n'est ni un suspect ni un témoin mais une victime, une jeune femme de 21 ans qui vient de subir un viol, et que les flics sont pour la plupart corrompus, soit par corporatisme, soit par machisme, soit par un idéal perverti. Le résultat est le même, quasiment aucun ne ressent d'empathie pour cette victime qui devient à son tour accusée. L'absence d'empathie est également présente chez d'autres représentant de la société, que ce soit dans le milieu médical ou un chauffeur de taxi.
Mariem Ferjani qui interprète l'héroïne du film crève l'écran et l'on s'identifie à elle, on est vissé sur son siège dans un stress permanent en se demandant quelle nouvelle pression et humiliation elle va subir. La réalisation de Kaouther Ben Hania est bluffante, les plans séquences caméra sur l'épaule sont léchés au minimètre et contribuent à maintenir une tension continue qui demeure bien après le film. La scène de fin où la frêle Mariam subit les ultimes pressions d'un énorme policier est la métaphore de la fragilité de chercher la justice face à une institution écrasante qui est prête à tout pour éviter le scandale dans une société où la loi peut envoyer en prison un couple d'amoureux qui s'est embrassé mais donne l'impunité à des policiers violeurs. On est parfois tenté comme l'héroïne de dire ou de signer n'importe quoi pour fuir cette lutte inégale et on comprend subitement les aveux fictifs qui peuvent être arrachés à un suspect après 48h de garde à vue. Ghanem Zrelli qui joue l'un des uniques soutiens de Mariam est le visage de l'idéal de la justice et de tous ces jeunes tunisiens qui se battent pour une société juste et démocratique face à l'indifférence, à la tradition ou à l’autoritarisme. Quel qu'en soit le prix.
Une bonne surprise que ce film que je pense je n'aurais jamais été voir de moi même et une sacré découverte de ce nouveau cinéma tunisien. Qu'il soit tiré d'un fait réel rajoute encore à son crédit.