La Bible

À l'origine, le producteur italien Dino de Laurentis projetait d'adapter au cinéma la totalité de la Bible avec plusieurs réalisateurs internationaux, supervisés par Huston. Le film devait durer onze ou douze heures. À la fin, le projet s'effondre et il ne restait plus que Huston pour mettre en scène juste le début de la Genèse jusqu'au sacrifice d'Abraham pendant presque trois heures.

Le scénario directement tiré du texte de la Bible est archi-connu et est appliqué, dans le film, à la lettre. Une voix off (le narrateur et Dieu) prononce quasiment les mots du texte. Il n'y a donc aucune surprise à attendre de la part du spectateur. Mais, pour le vivre personnellement à domicile, je pense que ce point va déranger bien des spectateurs, en particulier les croyants, quel que soit leur religion monothéiste. En effet, le "texte" est un langage très concis et concret, très événementiel, si je peux m'exprimer ainsi, pour évoquer des symboles et des actes symboliques. Il y a donc un hiatus important entre l'histoire mise en scène et le sens qu'il conviendrait de donner à des paroles ou à des actions. Je pense même que la "sécheresse" de l'histoire et le manque de nuances ne peuvent qu'exaspérer quelqu'un qui a dépassé le stade du simple récit.

Pour finir, si on veut apprécier ce film, il faut oublier ou faire abstraction de la signification profonde du texte et ne voir le film comme s'il était, simplement, un péplum qui raconte une belle histoire avec des personnages de légende ; comme on le ferait avec l'Iliade et l'Odyssée.

Dans ces conditions, on se trouve face à un très flamboyant film qui se divise en trois parties très distinctes traitées avec une dramaturgie croissante.

La Création est mise en scène et commentée par John Huston lui-même dont on peut déceler une petite pointe d'ironie. Les images sont très belles même si on peut déplorer le clair-obscur qui baigne l'Eden dans lequel évoluent Adam et Eve, nus, avant la dégustation de la pomme interdite … Les personnages sont quasiment muets dans cette partie. Caïn est interprété par un méconnaissable Richard Harris.

Le chapitre du déluge est un des points clés du film et commence par la construction de l'arche en pleine forêt avec un Noé, facétieux et soumis, interprété par John Huston, himself. La mise en scène de l'entrée des animaux par couple attirés par la flûte de Noé est captivante. Il parait que tous les animaux provenaient du zoo de Rome... J'ai juste regretté que la fameuse scène d'ivresse de Noé ait été oubliée …

On en arrive à la beaucoup plus dramatique histoire d'Abraham après avoir évoqué l'affaire de la tour de Babel construite sous les auspices du premier tyran de la planète en la personne de Nemrod. C'est Stephen Boyd, le Messala du Ben Hur de Wyler, qui s'y colle avec, je dois dire, une certaine élégance notamment dans le maquillage...

L'histoire d'Abraham comporte l'épisode de l'intervention divine sur Sodome et Gomorrhe où les plaisirs coupables et très mal vus du patron céleste doivent être punis. Il a bien fallu toute l'habilité de Huston pour suggérer sans trop montrer mais en faisant quand même comprendre les actes délictueux, surtout avec le bouc … L'ange chargé de la destruction est assuré par un Peter O'Toole dont on ne voit que le regard magnétique et bleu bien connu.

La relation et la jalousie qui existent entre Sara, l'épouse d'Abraham et Agar, la servante, est dépeinte avec une certaine émotion et beaucoup de délicatesse. Le personnage de Sara est interprété par une somptueuse Ava Gardner pleine de retenue dans son rôle. Quant au personnage d'Abraham, c'est George C. Scott, très vieilli pour le rôle : Il a plus de cent ans lorsqu'il réussit à mettre enceinte Sarah, au même âge, reste très bien conservée.

Film que, personnellement, j'aime bien à cause de la mise en scène plutôt soignée, les décors, la musique qui apporte beaucoup de nuances. Et puis je ne déteste pas le petit humour pas désagréable qui accompagne la narration de Huston.

Petit conseil : voir le film en VO avec la voix de Huston plutôt que la VF avec la voix de François Chaumette.