(critique comprenant un ou deux spoilers légers)

Premier coup d'essai pour Drew Goddard qui était surtout connu pour ses scénarios, l'écriture s'est ici faite en collaboration avec le producteur Joss Whedon. Et on tient d'ores et déjà un des éléments forts du film. Le concept du film est construit de façon à nous proposer une réflexion méta sur le film d'horreur et il se joue avec délectation des codes du genre à travers une mise en abyme des plus ingénieuses. Il installe dans un premier temps toutes les conventions du genre tout en laissant apparaître les ficelles qui tirent cette intrigue en apparence naïve ; car si le film se donne volontairement un air stupide tout du long, il est d'une intelligence redoutable. Ce parti pris est annoncé de manière subtile dès le début, on apprend que celle qui rempli toutes les conditions de la bimbo blonde et stupide vient en fait de se teindre les cheveux (elle n'est pas vraiment blonde) et étudie la médecine. De la même manière, son copain méga bogoss et sportif, joué par Chris Hemsworth, est en fait un brillant élève de sociologie. Pourtant dès le début du film ces deux personnages semblent bizarrement s'intégrer dans les clichés qu'ils évoquent, ce qui crée dès le début un décalage entre ce que sont les personnages, ce que le spectateur attend d'eux et ce que le film en fait. Le spectateur est dès lors intrigué, il voit un film d'horreur tout ce qu'il y a de plus banal mais il sait que quelque chose ne tourne pas rond car de nombreux indices l'indiquent.

En effet, en parallèle au film d'horreur se construit une autre histoire, celle de ces employés qui semblent être les instigateurs du cauchemar que vivent les héros. On prend de plus en plus conscience du concept qui reprend les codes de la télé-réalité pour livrer une sorte de parabole sur le statut de film d'horreur ; les employés sont les médias/entertainers, et la mystérieuse audience du show (dont l'identité n'est révélée qu'à la fin) représente les spectateurs. Cet aspect n'est pas l'élément principal du film qui se concentre plutôt sur la déconstruction des codes du film de genre, cependant la critique en passant de la fascination pour le spectaculaire et le morbide est évidente et amenée de manière assez fine ; l'exemple parfait, lorsque que la jeune bimbo enlève son haut sans se douter d'être filmée, le garde qui accompagne les employés s'interroge sur la nécessité d'un tel voyeurisme. Le plan qui suit montre les deux employés l'ignorant, reluquant la jeune fille ; le garde finit par rentrer timidement dans le plan, cédant à la curiosité...

Si ce regard cynique sur l'industrie du divertissement s'intègre parfaitement au récit, celui-ci a d'abord été construit comme une déclaration d'amour au cinéma d'horreur. Mais aussi comme un coup de gueule puisqu'il pointe du doigt le fait que la plupart des films répondent systématiquement à un cahier des charges très défini. A ce jeu-là, on pourrait presque dire que La cabane dans les bois tombe dans son propre piège puisque le "scénario choisi" (comprendra celui qui a vu le film) se révèle extrêmement banal et on se demande au vu du formidable bestiaire du film s'il n'avait pas mieux à faire... Deux argumentes pour la défense: 1/ un tel parti pris rentre dans le propos du film 2/ ça ne rend que beaucoup plus fort la formidable orgie démoniaque de la fin... En levant le pied dans son début, le film s'assure de créer une véritable surprise lors de sa fin complètement dantesque. Malgré cela, cette première partie prend un certain temps et de fait, La cabane dans les bois échoue un peu en tant que film d'horreur, ce qui peut s'avérer décevant si le film est vraiment vécu comme tel. Pour moi ça n'est pas le cas, il emprunte beaucoup au genre, notamment à Sam Raimi et ses Evil Dead mais ne cherche pas vraiment à faire peur, plus à apporter une sorte de perspective sur le genre.

On a donc ici une vraie surprise, un film "d'horreur" beaucoup plus intelligent qu'il n'y paraît qui risque de faire de date (c'est tout le mal que je lui souhaite en tout cas) tant il s'affranchit de ses propres codes pour les réutiliser de manière très surprenante. Le concept est bon, le film est très bien écrit et le casting est bien choisi. Certains pourraient regretter un manque d'ambition dans le choix de direction prise par la première partie cependant comme je l'ai indiqué ce choix est logique, c'est peut-être le traitement qui aurait dû être revu. Mais qu'importe, l'intrigue qui entoure le mystère des lieux maintient notre attention et le spectateur se voit récompenser par 20 bonnes dernières minutes de pure folie.

Créée

le 28 janv. 2015

Critique lue 256 fois

LeJezza

Écrit par

Critique lue 256 fois

D'autres avis sur La Cabane dans les bois

La Cabane dans les bois
Before-Sunrise
7

« Je pense que c’est mieux si on se sépare »

La Cabane dans les Bois est une de mes plus grandes surprises de ce début d’année. Je ne connaissais que l’affiche que je trouvais sympathique. Sans rien savoir de l’histoire à part deviner qu’il...

le 15 avr. 2013

61 j'aime

12

La Cabane dans les bois
Ze_Big_Nowhere
4

La frustration au fond des bois

WARNING ! SPOILING CRITIC. 5 blaireaux caricaturaux (caricatures qui auront leur importance à la fin du métrage. Mouais, enfin "Importance" c'est p't'êt un peu exagéré.), tendance à souhait et...

le 11 sept. 2013

57 j'aime

9

La Cabane dans les bois
cloneweb
7

Critique de La Cabane dans les bois par cloneweb

La première fois que le projet de la Cabane dans les Bois a été évoqué, c'était au Comic Con de 2009. A l'époque, Joss Whedon et Drew Goddard avait annoncé un film qui reviendrait sur les codes de...

le 27 avr. 2012

38 j'aime

1

Du même critique

7 Psychopathes
LeJezza
8

No shoot-outs? That sounds like the stupidest ending

Je donne à 7 Psychopathes un overrated 8, mais je l'assume totalement. Déjà, j'avais pas envie de mettre 7 parce que le film s'appelle 7 Psychopathes (argument totalement merdique puisque j'ai mis 7...

le 4 févr. 2013

33 j'aime

The Corner
LeJezza
9

Donner un visage et une voix à ceux qui n'ont plus rien

Malheureusement, l'histoire a voulu que le vrai DeAndre (qui interprète Lamar, le garde du corps de Mouzone dans The Wire) meurt l'année dernière d'une overdose...

le 30 oct. 2013

21 j'aime

JSA - Joint Security Area
LeJezza
9

Before Old Boy

Bien avant sa trilogie de "vigilente" avec son fameux Old Boy connu de tous qui témoigne parfaitement du style virtuose de Park Chan-Wook, le réalisateur coréen avait fait JSA, Joint Security Area...

le 6 juin 2012

15 j'aime