Après avoir découvert cette année plusieurs pépites signées Dino Risi, je dois concéder une légère déception quant à "Telefoni Bianchi", un film qui pourtant ne manque pas d'intérêt, dans lequel le réalisateur laisse libre cours à toute sa méchanceté comique.
A titre personnel, c'est la caractérisation des protagonistes qui m'a dérangé : s'inspirant de la commedia dell'arte, Risi esquisse des personnages outranciers, de véritables caricatures qui ne favorisent pas l'empathie ni l'identification. Plus gênant encore, ces personnages outrés, volontiers braillards ou hystériques, s'accordent mal avec la sourde mélancolie qui émane du film, à travers la partition tristement sentimentale d'Armando Trovajoli notamment.
Autre contrariété : la structure narrative décousue, parfois proche d'un film à sketches, qui occasionne quelques longueurs.
Pourtant, s'il ne fait pas partie des meilleurs Risi, "Telefoni bianchi" constitue un bon film, riche et intéressant à analyser. En effet, le film jouit d'une véritable dimension politique et historique, revisitant l'époque mussolinienne, durant laquelle le régime diffusait sa propagande à travers le grand écran. C'est la période des "téléphones blancs", qui donne son titre au film en VO : les italiens sont alors abreuvés de romances à l'eau de rose déconnectées des réalités sociales, faisant la part belle à cet accessoire en bakélite blanc, synonyme de luxe et de modernité.
Si la première partie du film constitue une satire de cette société italienne hypocrite et jouisseuse, "Telefoni bianchi" bascule progressivement vers davantage de cruauté et de grotesque morbide, à mesure que la guerre progresse et fait des dégâts sur la population - déjà désorientée par les absurdités du fascisme.
Ainsi, l'apparition tardive du personnage incarné par Ugo Tognazzi occasionne les séquences les plus terribles, dans lesquelles toute humanité semble avoir disparu : on n'oubliera pas de sitôt l'échange de regard entre ce vagabond cynique et la jeune juive qu'il vient de livrer aux nazis...
A noter qu'il s'agit d'un des rares portraits de femme dans l'opulente filmographie de Dino Risi : cette fille du peuple candide mais opportuniste constitue le sommet de la carrière d'Agostina Belli, qui apparaît fort convaincante. D'abord assez quelconque dans les premières séquences, d'un physique plutôt commun, un peu potelée, la comédienne s'embellit de scène en scène au point d'irradier littéralement en blonde platine sur les plateaux de Cinecitta...