La chambre d'à côté est un film épuré et profondément esthétique qui nous invite à nous questionner sur notre relation à la mort aussi bien à l'échelle personnelle qu'à l'échelle de la société. Durant la panne du site, j'ai moi-même pensé à mon rapport à la mort et me suis rendu compte que je m'accrochais à la vie pour une seule et unique chose : écrire des critiques pour les 3 abonnés à ce compte. La porte est donc restée ouverte ce matin et on s'attaque au dernier Almodóvar.


L'euthanasie est donc le vaste sujet qui sera traité pendant 2h.

Malheureusement le film a du mal à commencer, redoublant de flashbacks dont la longueur et l'utilité sont contestables. On entre dans des détails sur des histoires qui finalement ne laissent que peu d'impact sur le récit du présent. Cette première partie est aussi déroutante tant on sent les faux décors et l'on se retrouve dans une semi pub pour Architectural Digest. Enfin, l'utilisation de la langue anglaise trouble puisque l'on a l'impression que l'emphase est faite sur la musicalité des dialogues alors que ceux-ci ne dégagent rien de bien spécial. On en vient à se demander pourquoi Almodóvar n'est pas resté sur sa langue maternelle pour aller y chercher plus d'impact.

Tout semble faux sur cette première partie et ce n'est qu'au bout d'une demi-heure que le sujet est vraiment lancé.


L'arrivée dans la maison de vacances permet au réalisateur de mettre sa patte esthétique et aux actrices d'exploiter leur talent. La froideur de la mise en scène colle parfaitement bien avec le jeu d'une Tilda Swinton face à la mort. Le rythme imprégné permet aussi au spectateur de danser doucement vers le moment attendu mais surtout redouté, peint comme un évènement inévitable et limite procédural. Almodóvar fait donc de son film un véritable plaidoyer pour l'euthanasie en y mettant en avant une valeur poétique et une réflexion sur notre relation avec la disparition de nos proches.


Malheureusement, certains passages font clairement douter. La scène de l'interrogatoire a pour but de nous faire revenir à la réalité et semble donc totalement hors rythme. Vouée à nous montrer que la société n'est pas encore prête et que la religion voit l'aide active à mourir comme un crime, la personnification dans un "bad cop" coupe l'élan poétique qui pourtant reprend quelques minutes plus tard.


Enfin, j'ai été profondément choqué par les conclusions d'un dialogue entre John Turturro et Julianne Moore. Ce sera le paragraphe du gauchiste engagé depuis son canapé :


Associant l'état de mort certaine du personnage au réchauffement climatique et la situation écologique me semble totalement à côté de la plaque (et non de la chambre hihi). On devrait donc d'ores et déjà faire le deuil de notre situation sur cette planète vouée à tomber dans le capitalisme à outrance et l'extrême droite et se réjouir des choses qu'il nous reste, en apprendre. Ce passage n'est absolument pas nécessaire à l'intrigue et un pur scandale. Alors que les résidences tertiaires de la moitié du casting sont en train de brûler à cause de ce dérèglement, on espère un discours plus inspiré la prochaine fois.


On a envie d'aimer la chambre d'à côté pour le jeu de ses actrices, le chant du cygne de Tilda Swinton, l'esthétique trouvée toute en couleurs sur sa deuxième partie et son rythme à la limite de la poésie. Cependant, le récit s'étale dans beaucoup trop de digressions discutables pour atteindre les 2 heures et empêchent une immersion totale.

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