Puisque l'année a si mal commencé pour ce site, je me suis dit que c'était logique que je débute 2025 par la critique d'un film auquel j'ai donné une note de merde.
Ben, premier long-métrage anglophone pour l'ami espagnol, Pedro Almodóvar, et je le préfère largement quand il réalise dans son pays natal.
Vous est-il arrivé de mettre accidentellement l'audiodescription, sans être aveugle ou malvoyant, et d'essayer de la retirer le plus vite possible, dans un état d'agacement, pour pouvoir continuer à visionner sereinement votre film ou votre série ?
Ben, La Chambre d'à côté, c'est ça, sauf que vous n'avez la possibilité de la retirer. Tout est ultra-surligné dans les dialogues. Ce qui ne serait pas gênant si vous étiez en petite section de maternelle. Et comme si le surlignage dans les dialogues ne suffisait pas, de temps en temps, eh ben, le réalisateur fourre des flashbacks inutiles par-dessus cela, montrant des événements du passé qui pourraient s'expliquer facilement en deux-trois phrases. Et dans ses flashbacks, déjà, la jeune version du personnage de Tilda Swinton ne ressemble pas du tout à sa version plus âgée, ensuite, contrastant d'une manière balourde avec les séquences du présent plus sobres, le jeu des comédiens y est inutilement outrancier. Outrancier comme l'étaient la plupart des premières œuvres du réalisateur, excepté que, pour ces dernières, ça collait avec les sujets et ça gardait une cohérence de ton du début jusqu'à la fin. Ah oui, si vous n'avez pas saisi, à un moment donné, qu'il y avait une référence aux Gens de Dublin de John Huston (magnifique film, que je vous recommande d'ailleurs !), ne vous inquiétez pas, il y en a une deuxième pour vous bien faire comprendre qu'il y en avait une première, et si vous n'avez pas compris qu'il y en avait une deuxième, il y en a une troisième pour bien vous faire comprendre qu'il y en avait une deuxième. Et je suis sûr que si l'ensemble ne se terminait pas sur la troisième, il y en aurait eu une quatrième.
La fin de vie est un thème suffisamment fort pour qu'il n'y ait pas besoin d'en rajouter, n'est-ce pas ? Ben, pas pour Pedro, qui rajoute une autre bonne louchée d'autres thèmes graves, comme les relations conflictuelles entre mère et fille, l'ère #MeToo, le réchauffement climatique, ou la situation géopolitique mondiale tendue, mais sans jamais les approfondir un tant soit peu, juste parce que ça fait bien de faire semblant de les évoquer, comme un mondain qui feint de s'intéresser aux sorts des petits Africains et de les plaindre entre deux petits fours Lenôtre.
Alors, on a une BO qui se veut à la Bernard Herrmann. Vous savez, le type de musique qui colle parfaitement à une atmosphère ambiguë et à des moments de suspense. Sauf que dans le film, il n'y a absolument pas d'ambiguïté, ni de moments de suspense. Les rares scènes qui auraient pu donner lieu à de la tension (la porte fermée, les pilules égarées, l'interrogatoire au commissariat !) sont trop rapidement expédiées pour dégager le moindre impact à ce niveau-là.
Les répliques étant didactiques à l'extrême, rien de ce qui sort de la bouche des actrices Julianne Moore et de Tilda Swinton (très largement meilleures chez d'autres cinéastes, notamment chez Todd Haynes ou Paul Thomas Anderson, pour la première, Wes Anderson, David Fincher ou les frères Coen, pour la seconde !) ainsi que de celle du reste de la distribution parvient à être un minimum naturel.
En fait, le seul moment que j'ai apprécié de ce ratage, c'est le passage de l'extrait des Fiancées en folie, petit bijou muet d'hilarité de l'immense Buster Keaton. Au moins, je ne peux pas nier à Almodóvar, d'excellents goûts en tant que cinéphile.