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Dans une Italie en ruine et délaissée, des pillards de tombes se repaissent des vestiges antiques tandis que des usines lointaines poussent sur un littoral encore bruyant des souvenirs de vies passées.

Dans cette double cadence (un monde qu'on pille et qu'on détruit pour mieux tenter de se (re)construire) Alice Rohrwacher fait souffler un élan vital mélancolique, et comme dans un rêve éveillé, téléscope deux époques. Le trivial d'antan devient le sublime d'aujourd'hui, d'une tombe étrusque qui côtoie les déchets d'un port industriel à un container qu'on remplit de ballons aux couleurs du drapeau italien pour protéger la statue qu'il transporte.


En "pillant" à son originale façon le répertoire de Fellini pour le côté troupe carnavalesque, et de Scola pour le côté affreux, sales et méchants, convoquant le Matteo Garrone de Dogman comme le Prosper Merimée de La Vénus d'Ille, la réalisatrice entame sans mot dire une troublante réflexion sur la création comme inéluctable entreprise d'emprunt et de resquille.

L'atmosphère onirique qu'elle déploie attise la curiosité mais pas toujours l'intérêt, la faute à une première partie un peu laborieuse et des effets de style parfois inutilement prétentieux.

Mais sa fascination pour les images disparues, la destruction des formes et les vestiges antiques hantent le film en l'enveloppant dans un imagier collectif qui exerce progressivement un charme envoûtant.

Comme un film d'Aki Kaurismaki, la distance en moins, le bavardage en plus, La Chimère propose un intéressant paysage des marges, des ruines, de ce qui n'appartient à personne donc à tout le monde, de ce qu'on s'approprie et qu'on occupe en faisant sien, et creuse ainsi un sillon profond et unique (peut-être même politique) dans le cinéma contemporain.



Créée

le 12 déc. 2023

Critique lue 34 fois

2 j'aime

Charles Dubois

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