Troisième volume d'une trilogie initiée par le Québécois Denys Arcand ("Les Invasions Barbares" et "Le Déclin de l'Empire Américain"), j'admets n'avoir pas vu les deux autres films et ne connaitre que leurs thématiques communes. Je ne peux donc décemment pas l'analyser comme conclusion d'une démarche pensée. Mais le film en lui-même, qu'en pense-je ?
Il est évident que le film déborde à ras bords de clichés, et ici il nous montre comment les exploiter comme des intentions. Le problème serait davantage qu'ils ne sont ni irrévérencieux ni vraiment nouveaux dans leur discours... Dans ce film, la photographie est blanche, tout le temps, on est à la limite de la surexposition, quand elle n'est pas carrément assumée. Elle alterne avec un jeu sur le bleu (les yeux de la prostituée, la chemise du protagoniste etc.). Ils s'y réfèrent, je pense, au cadre bleu contenant les étoiles blanches sur le fameux drapeau Américain. Le rouge, étonnamment, n'est pas aussi envahissant à l'image que les autres couleurs... Les personnages, eux, ne sont pas du tout des personnages très Ricains. Par contre, c'est des archétypes absolus, des clichés qui poussent allègrement la manette des contradictions déjà vues : l'intellectuel qui a du mal avec les filles, la prostituée qui s'entiche de celui-ci pour sa "différence", le vieux d'la vieille sortant de prison mais qui se prend d'affection pour ces deux jeunes "purs", et le banquier chargé des Paradis fiscaux... Seulement, ces clichés sont retravaillés grâce à un travail sur les dialogues, que je trouve vraiment très léché. Le choix des interprétations, alternant le naturel comme l'intellectuel (une belle audace tout de même de faire porter le film par un mec citant des écrivains et bredouillant à chaque phrase !) ou le surlignage comme le vieux d'la vieille ; le contraste entre eux tous fait à la fois leur unité et leur charme collectif. L'intellectuel est identifiable pour beaucoup, la prostituée, difficile d'être objectif à son sujet (vous ne me ferez pas croire que vous ne voudriez pas lui offrir un verre !), le vieux d'la vieille est tellement attachant qu'on voudrait l’appeler Bruno... Quant au Banquier, je trouve que sa scène de défense devant les policiers est incroyable de charisme : Pierre Curzi fait complètement corps avec son dialogue, et il te convainc à travers l'écran autant par son interprétation que par son discours pourtant vicelard. Très, très fort.
Lancé comme tel, le scénario n’hésite pas à revisiter le rêve américain à sa façon. Mine de rien, il est blindé de références au cinéma de ce pays voisin : la séquence d'introduction est exactement structurée, narrativement, comme celle de "The Social Network". Là aussi une dispute, basée sur une réflexion prétentieuse, soulevée par un champ/contre-champ simple et intensif, donnée par des personnages déjà au bord de l'implosion. Et là, je touche ce qui ne vas pas selon moi dans le film : il a un propos tellement prévisible qu'il finit par handicaper le film. Bien sûr que tous les propos du monde ont déjà été dit, au cinéma et ailleurs, mais étant donné que les autres ingrédients du film misent déjà sur cette optique (j'ai vu le film avec des sous-titres, même les musiques sont sous-titrées comme des catégories d'effets !), ça ne fait qu'alourdir ce qu'ils transmettent déjà. Les 15 dernières minutes, en ce sens, deviennent vraiment trop longues.
Toutefois, je trouve ce film vraiment très bon. Sa fraîcheur est incontestable, tant que l'on est sensible à l'état d'esprit qui privilégie la caricature au naturalisme, et surtout tant que l'on voit le plus souvent possible Maripier Morin, tabernacle.