"La chute de l'empire romain" a été repris dans Gladiator de Ridley Scott trente six ans plus tard sur les mêmes bases scénaristiques : la guerre contre les barbares nordiques par Marc-Aurèle, la mort de Marc-Aurèle et la prise de pouvoir par son fils Commode.
Comme déjà dit dans ma critique de Gladiator, il convient de s'affranchir de vouloir coller à l'Histoire. Définitivement, un péplum ne fait que s'inspirer de l'Histoire.
Ridley Scott s'est focalisé dans Gladiator sur le phénomène sociétal romain des jeux du cirque. Le fameux "panem et circenses". Maximus, le général, qui avait toute la confiance de Marc-Aurèle et qui était pressenti pour lui succéder, est proscrit puis se retrouve gladiateur dans les arènes de Rome.
Anthony Mann est, quelque part, plus ambitieux et son dessein est manifestement plus politique. Dans l'introduction, il évoque que l'empire romain s'est effondré par suite de multiples causes. Il se propose d'en examiner quelques unes dont par exemple, les conséquences d'un pouvoir personnel sans partage ou encore l'absence de vision au moins moyen terme sur la gestion des colonies ou des contrées annexées.
Je ne sais pas s'il faut aller si loin et si c'était vraiment l'intention d'Anthony Mann en 1964. Mais le fait de mettre en scène un ancien esclave affranchi Timonidès qui tient avec le général Livius, un discours d'assimilation totale des pays annexés avec un véritable statut romain, assurant ainsi une égalité de droits et une paix durable, n'est peut-être pas dû au hasard de la part d'Anthony Mann.
Le passionnant débat au sénat est tout-à-fait intéressant et éclairant sur le sujet.
La tentative de sécession des contrées de l'Est pour créer un Empire d'Orient pour faire face à une certaine vacance du pouvoir central est un peu schématisée. Tout ceci est très en avance sur la "vraie" Histoire, mais c'est aussi une cause essentielle de l'effritement d'un empire. On peut comprendre que le film de Mann, qui dure déjà 3 heures, soit un peu schématique sur la question mais l'idée, là aussi est intéressante.
Toutes ces fortes considérations géo-politiques étant faites, parlons maintenant du péplum qui est très bien.
La réalisation est superbe. Les décors à la mesure de Hollywood : en particulier le forum de Rome ou encore le temple de Jupiter avec une caméra qui n'hésite pas à faire des mouvements panoramiques pour que le spectateur en ait plein la vue. D'ailleurs ce film devait être vraiment impressionnant à voir dans un cinéma (un peu plus que sur ma télé...)
Je retiens notamment certaines scènes pleines d'émotion et de rigueur comme la passation des pouvoirs lors de l'incinération de Marc-Aurèle. Les batailles sont bien filmées et bien lisibles. Il y a un bon équilibre entre les scènes d'action et les scènes de discussion.
Le casting est d'exception.
Alec Guiness campe un très convaincant Marc-Aurèle.
Stephen Boyd (l'adversaire de Charlton Heston dans Ben Hur) est aussi très crédible en un général soucieux du respect des institutions et soucieux de poursuivre l'action - pacificatrice - de Marc-Aurèle.
La présence féminine de Sophia Loren en fille de Marc-Aurèle apporte une agréable touche de romantisme au film ; il me semble que le personnage joué par Sophia Loren est plus impliqué dans l'action politique au début du film que par la suite.
C'est surtout le personnage de Timonidès joué par un magistral James Mason que je trouve excellent dans sa posture de philosophe ou de penseur au-dessus de la mêlée. C'est lui qui est porteur des idées d'assimilation en accordant d'office un statut de citoyen romain. Et il est très convaincant au sénat puisqu'il emporte la décision. La scène où le géant Ballomar veut savoir si Wotan est plus fort que Jupiter en mesurant la résistance à la souffrance de Timonidès est stupéfiante.
Le personnage de Commode joué par Christopher Plummer est crédible car ne tombe pas dans le piège de l'outrance.
Et puis, il y a des seconds rôles qui sont de véritables pointures comme le sénateur joué par l'inénarrable Finley Currie ou encore Anthony Quayle qui joue un ancien gladiateur.
Omar Sharif en roi d'Arménie a un petit rôle qui est dû au scénario qui a peu développé la séquence "sécessioniste" des pays orientaux.
Film impressionnant et tout-à-fait passionnant dans sa portée politique.