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"Gauche! Droite!, Gauche! Droite!.." la rhétorique de l'ordre serrée résonne comme une acceptation non consensuelle de l'absolue aliénation de l'homme dépossédé de son choix de mouvement. On pense à Full Metal Jacket de Kubrick et son Sergent Hartman vociférant et crachant sa hargne sur ses troupes qu'il cherche à casser pour mieux les façonner dans un but d'en faire des machines de guerre. Sauf que l'on est 22 ans plutôt et qu'il s'agit de Sidney Lumet derrière la caméra. On peut forcément s'imaginer que Kubrick aurait éventuellement trouver son inspiration pour dépeindre le personnage interprété par R. Lee Ermey dans celui de l'adjudant de fer Wilson, à qui Harry Andrews prête ses traits.


Le film de Sidney Lumet est un film de guerre en forme de huis-clos qui s'attache à montrer la volonté de dépossession d'eux-même de soldats dans un camp disciplinaire au centre duquel prédomine une colline artificielle faite de terre battue que ces derniers doivent grimper et descendre jusqu'à temps qu'ils en viennent à perdre leurs moyens physiques dans un premier temps, puis mentaux finalement. Sorte de fourmilière géante qui sert de broyeur et dont un sous-officier tyrannique et sadique, le sergent Williams, interprété par Ian Hendry, use afin de mettre au pas des hommes.


Dès le premier plan du film, une sorte de revue aérienne de ce lieu de redressement où des troupes aux ordres effectuent des chorégraphies militaires, on suffoque déjà. Et ce sentiment ne nous lâchera plus jusqu'à la dernière image où l'inéluctable arrivera, hors-champ, car le but n'est pas la fin dans cette démonstration sans concession de la déstructuration de l'âme humaine.


Sans jamais tomber dans le manichéisme et le simplisme antimilitariste, il y aura toujours ce personnage de sous-officier juste, magnifiquement interprété par Ian Bannen qui tentera à sa façon de contrecarrer les plans tordus de ce fameux Sergent Williams, Lumet dresse un portrait à multiples facettes de l'institution militaire, car l'armée, comme le pensait John Ford est aussi un lieu de vie
commun entre personnages divers, un groupe. De l'ex sous-off interprété par l'athlétique Sean Connery, puni pour avoir refuser un ordre d'attaque de la part d'un officier qu'il a de surcroit frappé, au dur à cuire inflexible, au lâche opportuniste, en passant par le noir du groupe à qui l'on ne cessera de rappeler sa couleur, tout un bestiaire de figures de style, un portrait d'hommes dans la machine à broyer de l'ordre et de la discipline. Sauf qu'ici on ne fabrique pas des soldats mais des lavettes.


Mettant en branle l'inéluctable dans une forme de montée progressive à l'évident dénouement, de par une mise en scène radicale, flirtant parfois avec la folie et l'hystérie, Lumet livre un film sans concession sur l'univers de ces hommes perdus dans la machine à broyer disciplinaire de ce camp de redressement tenu par des hommes de fer, eux-même perdus, qui entre deux démonstrations de leur implacable tenue au commandement, se saoulent et s'adonnent à des pratiques douteuses et faciles. Des hommes avec leur force et leur faiblesse en somme.


Une intelligente dénonciation d'un système fabriqué comme une machine à broyer les êtres.

philippequevillart
9

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Créée

le 26 nov. 2016

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