C'était en 1955, et personne ne connaissait le nom de Satyajit Ray. Celui-ci choisit d'adapter un roman de Bibhouti Bhousan Banerji, écrivain peu connu chez nous (ce n'est rien de le dire), mais dont Zulma a il y a peu publié un beau roman, De la forêt, avis aux amateurs.
Voilà donc Satyajit Ray cherchant des fonds pour réaliser son film, complètement en marge du système. Et de manière surprenante, même s'il lui faut plusieurs années, il y arrive!
A rebours d'un cinéma bollywoodien plein de stars et de chansons, La complainte du sentier est un film sobre, naturaliste, sans acteurs professionnels. Mais déjà, quelle attentions portée aux personnages! La mère d'Apu notamment, qu'on devine parfois pleine de tendresse et de douceur, mais que les épreuves ont usé et aigri. Le père, bien intentionné mais tellement plein de ses rêves qu'il en sombre dans l'inconscience. Durga, qu'on aime dès le premier instant, alors qu'elle donne une goyave qu'elle vient de "voler" à sa grand-mère. La grand-mère donc, courbée par les ans mais avec toujours une volonté de vivre, et de vivre bien. Et bien sûr Apu, le petit garçon au regard intense, Apu qu'on suivra dans encore deux films, grandissant.
Et pour porter tout cela, il y a une musique de Ravi Shankar himself, rien de moins!
Avec si peu de moyens, Satyajit Ray réalise une chronique émouvante et tendre, qui connaîtra un succès mérité (mais étonnant, preuve que l'époque était différente).
Un grand réalisateur naissait.