Description en cinq parties de la conquête des territoires sauvages de l'Ouest américain à la fin du 19e siècle par des pionniers désireux de s'installer sur ces terres inexploitées afin d'y trouver une vie meilleure.Ce film appartient à la cohorte des oeuvres hollywoodiennes grandioses et luxueuses qui faisaient autrefois recette.C'est la Metro Goldwyn Mayer qui produit et distribue,et on n'a pas lésiné sur les moyens.Un procédé de filmage innovant pour l'époque,le Cinerama,a été utilisé pour la première fois en cette occasion dans le cadre d'un long-métrage,mais cette technique ne convaincra pas et n'aura servi que pour neuf films,dont seulement deux longs de fiction.Trois grands réalisateurs spécialisés dans le western sont derrière les caméras,le plus actif étant Henry Hathaway qui signe trois des cinq segments,John Ford et George Marshall en shootant un chacun.L'équipe technique regorge de talents et affiche James R. Webb et John Gay au scénario,Henry Grace aux décors,Walter Plunkett aux costumes,William Tuttle aux maquillages,William H. Daniels,Milton R. Krasner,Charles Lang Jr. et Joseph LaShelle à la photo,Alfred Newman à la musique et au montage Harold F. Kress qui glanera ici le premier de ses deux Oscars,il aura le second pour "La tour infernale".Et puis comme il est de coutume en un tel contexte une ribambelle de stars défile à l'image."La conquête" cumule les qualités et les défauts de ce type de productions.On se focalise sur des évènements historiques qu'on déforme plus ou moins,on condense et simplifie le récit pour ne pas que ce soit encore plus long que ça ne l'est déjà,on simplifie au maximum les personnages qui sont réduits à des caricatures et on truffe l'ensemble de morceaux de bravoure ultra spectaculaires.Dans la même période sont sortis des films fonctionnant de la même manière comme "Le jour le plus long", traitant du Débarquement en Normandie,apparu en cette même année 1962 et dans lequel jouent aussi Henry Fonda et John Wayne,ou le biblique "La plus grande histoire jamais contée" en 1965,avec également des acteurs de "La conquête",en l'occurrence Carroll Baker,Jay C. Flippen et encore l'inévitable John Wayne.Ca commence avec "Les rivières",réalisé par Hathaway,dans lequel on suit le voyage vers l'Ouest de quelques familles de pionniers enthousiastes et naïfs,un peu cons à vrai dire,qui naviguent sur le canal Erie et rencontrent en chemin un trappeur solitaire mais bien sympathique.Cette partie permet de faire connaissance avec les soeurs Eve et Lilith Prescott,deux jolies blondes qui feront office de fil rouge tout au long du film.On part donc sur du niais et du folklorique avec ces migrants à grande gueule et pleins d'espoir qui se mettent régulièrement à chanter et danser pendant qu'Eve fricote dur avec le trappeur,mais celui-ci tient à sa liberté et la plante le lendemain de leur nuit agitée.Puis l'histoire devient brusquement très noire avec l'agression d'une bande d'assassins détrousseurs de pionniers et une descente de rapides fatale.Cette rupture de ton relance l'intérêt et introduit la suite,"Les plaines",avec toujours Hathaway à la baguette,qui nous présente une Lilith de retour en ville après avoir abandonné les envies fermières de sa famille et qui est devenue chanteuse et danseuse de cabaret.Héritant d'une mine d'or dans l'Ouest,elle part avec un convoi de chariots allant dans sa direction.Cet arc narratif est plus classique avec l'attaque des indiens et la romance entre la fille et un joueur professionnel couvert de dettes fort intéressé par la soudaine fortune de la demoiselle,qui préfère cet enfoiré majuscule au chef du convoi,un type sérieux et réellement épris d'elle.Le troisième round est "La Guerre de Sécession",qui voit l'arrivée aux affaires de Ford.On retrouve Eve à la tête d'une ferme.Son trappeur l'a finalement épousée mais il est parti guerroyer contre les sudistes,et voilà que leur fils Sam,jeune homme impatient d'en découdre,part lui aussi au mastic.Il va vite déchanter face aux horreurs du conflit et pensera même à déserter avant de devenir un héros en sauvant inopinément la vie du général Grant,rien de moins.Sam devient l'homme de base du récit et c'est lui qui réapparait dans "Le chemin de fer",le segment suivant signé George Marshall.Il a pris du galon et doit assurer avec ses troupes la sécurité de la construction des voies ferrées traversant les territoires indiens,au grand dam de ces derniers.Le militaire,comprenant la position des indigènes trompés par des traités non respectés,vieille habitude des "démocraties occidentales",se prend la tête avec le promoteur dirigeant les travaux et finit par démissionner et se barrer à l'aventure.Et revoici Hathaway pour "Les hors-la-loi",qui voit un Sam vieillissant devenu shérif qui accueille dans son patelin du Far West sa vieille tante Lilith,désormais veuve.Mais un bandit local qui a un compte à régler avec lui rôde dans les parages et s'apprête à dévaliser un train,ce que le marshall ne peut laisser faire.Le film entier bénéficie de son opulente direction artistique et pâtit d'une construction narrative assez bancale.Il y a des plans magnifiques à profusion présentant des paysages très variés,des tas de costumes d'époque,plein de chevaux et de chariots,des armes à foison,des morts en pagaille et de la figuration en veux-tu en voilà.Les scènes spectaculaires ont de l'allure,qu'il s'agisse de la descente des rapides,de l'attaque des indiens,de la charge des bisons ou de la baston du train.Si la musique de Newman est excellente,les numéros musicaux sont un peu trop nombreux dans les premiers segments,ce qui casse le rythme.Le ton est souvent hésitant,passant volontiers du tragique à l'humour,et les ellipses,chronomètre oblige,sont parfois abruptes.Le fond du propos est également ambigu.Au premier degré tout ça ressemble à un hommage aux mythes fondateurs de la nation américaine,aux grands espaces,au courage des pionniers.Mais derrière se profile une analyse amère d'un pays qui s'est construit dans la violence et le sang.Rixes entre bandits et migrants,guerres indiennes et spoliation des terres des natifs,Guerre de Sécession fratricide entre américains,combats entre éleveurs et fermiers,une Histoire pas vraiment édifiante.La distribution aligne à chaque scène un paquet de vedettes dans un ahurissant étalage de name droping.La raisonnable et déterminée Eve a les traits de Carroll Baker,la Baby Doll de Kazan,dont le père est interprété par Karl Malden,qui en fait des tonnes et se ridiculise,lequel était son vieux mari dans le Kazan.C'est Debbie Reynolds,qui chantait sous la pluie dix ans plus tôt,qui incarne la dissipée Lilith.Leur mère est Agnes Moorehead,l'acariâtre maman de l'héroïne dans la série "Ma sorcière bien-aimée".James Stewart a l'air d'un idiot en trappeur demeuré,mais ça lui arrivait fréquemment.Gregory Peck n'est pas très convaincant non plus en flambeur dragueur.Robert Preston,futur homo dans "Victor Victoria",est en revanche très bon en rancher solide malheureux en amour.Thelma Ritter fait valoir sa truculence en pionnière vieille et moche voulant absolument se dégoter un mari.George Peppard,vedette masculine de "Diamants sur canapé",fait le boulot en soldat exalté devenant soldat avisé devenant shérif aguerri,un rôle au long cours qu'il sait faire évoluer.Russ Tamblyn performe étonnamment bien dans une courte participation en déserteur sudiste alors que John Wayne imprime fortement la pellicule lors d'une apparition tout aussi brève en général Sherman.Raymond Massey,le sévère patriarche de "A l'est d'Eden", passe en coup de vent en Abraham Lincoln,un personnage qu'il avait déjà campé en 1940 dans le "Abraham Lincoln" de John Cromwell.Henry Fonda est méconnaissable mais saisissant en chasseur de bisons et Richard Widmark crève l'écran en patron du chemin de fer obsédé par sa mission.Carolyn Jones,la Morticia Addams de la série télé "La famille Addams",manque de présence en épouse de Sam,contrairement à Eli Wallach qui sort un grand numéro en outlaw provocateur et charismatique.Il est à noter que dans un autre emploi de gibier de potence figure Lee Van Cleef,qui sera son partenaire dans "Le bon,la brute et le truand".Harry Dean Stanton,bien avant "Paris,Texas",fait aussi partie du gang tandis que Lee J. Cobb,le juré vénère de "12 hommes en colère",apporte sa parfaite justesse en shérif presque retraité peu enclin à se friter avec les voyous.Dans le rôle d'un député on voit passer Mickey Shaugnessy,le taulard qui enseignait la musique à Elvis dans "Le rock du bagne".Outre ce fantastique casting on peut signaler parmi les cascadeurs la présence de Hal Needham,qui sera plus tard la doublure cascades puis un des réalisateurs attitrés de Clint Eastwood.Notes et critiques de films de John Ford publiées précédemment:"L'homme qui tua Liberty Valance"-4,"Vers sa destinée"-8.Moyenne:6.Notes et critiques de films de Henry Hathaway publiées précédemment:"100 dollars pour un shérif"-7,"Nevada Smith"-5.Moyenne:6.