La Crème de la crème, c'est avant tout l'histoire de trois jeunes ayant intégré la meilleure business school d'Europe (oui, rien que ça). Et les surdoués sortant victorieux de classes préparatoires, quand ils s'ennuient, ils appliquent ce qu'ils ont vu en cours à la vraie vie. Lorsque Kelly, admise sur dossier, rencontre Jaffar et Dan, deux étudiants répertoriés comme exclus de l'école, à la soirée d'intégration, ils décident de la prendre sous leur aile pour l'aider à s'habituer à sa nouvelle école. Ils lui en expliquent le fonctionnement. Ils justifient donc leur incapacité à "socialiser" (et plus si affinité ...) avec des filles et leur historique rempli d'adresses de sites pornos par la hiérarchie en vigueur au sein de l'école. Si tu fais partie d'un club (rugby, Bureau Des Elèves, au choix), tu baises, sinon, pas la peine d'investir dans des caleçons neufs, aucune fille ne sera là pour le voir de toute façon. Prise de pitié, Kelly décide de les aider en invitant une jolie employée de grande surface dans le but de faire "réévaluer la cote" de Jaffar sur le marché du sexe de l'école. Il devient alors un véritable tombeur et désirable aux yeux des étudiantes. Evidemment, leur stratégie est démasquée par Louis du BDE (manifestement plutôt sobre pour une fois alors ça ne pardonne pas) : une fille qui repousse un des plus beaux garçon de l'école pour un nobody, c'est forcément suspect. Louis, Dan et Kelly développent ensuite un réseau de filles comparables à des escort girls rendant plus populaires leurs clients par leur simple présence. Le Club des Cigares est né.
Ce film est révélateur de l'écart social de plus en plus profond entre le commun des mortels qui travaille pour gagner sa vie et l'élite dont font partie les personnages principaux. Ils profitent de ce système, recrutant des filles vivant d'emplois minables et mal payés dans des filiales de multinationales (Starbucks, grande distribution ...) qui les exploitent. Ces pauvres hères naïfs et ignorants sont fascinés par ce monde où les étudiants de cette école portent sur eux l'équivalent de leur salaire en vêtements, eux qui font partie de "la crème de la crème" alors qu'elles resteront toute leur vie dans le caniveau. Pour les recruter, Kelly n'hésite d'ailleurs pas à leur dire ouvertement qu'elles ne valent rien (économiquement parlant en tout cas, sinon, ça a l'air d'aller quand on voit tout l'argent que le club a gagné). Ces filles sont complètement dépassées par ces arguments et c'est à ce demander si elles y comprennent même quelque chose, à part la somme qu'il y a en jeu. Elles passent des mains de leur bourreaux capitalistes actuels, à celles de ceux qui les remplaceront dans quelques années.
Mais ce film symbolise surtout la société capitaliste, hypersexualisée dans laquelle nous vivons et la tyrannie des apparences. Jaffar profite des ses origines tunisiennes pour faire croire que son père possède des puits de pétrole et qu'il a participé à la Révolution. Kelly n'hésite pas non plus à mentir sur son véritable nom dans le but de cacher ses origines banlieusardes. Dans quelle mesure pouvons-nous infléchir notre destin ? Est-ce que ce stratagème aura permis à des étudiants sexuellement frustrés de combattre la fatalité ?
Il est vrai que ce film ne plaira peut-être pas à tous et qu'il est possible que je l'ai un peu surnoté (mea culpa), mais il cristallise toutes les angoisses que nous pouvons avoir à la sortie d'un univers protégé comme le lycée et les choix auquels nous serons confrontés. Jusqu'où doit-on aller pour s'intégrer ? Doit-on se conformer aux autres ou tout faire pour rester comme on est ?