Dans les années 1830, on estime le nombre de bisons en Amérique du Nord entre 60 et 100 millions, cinquante ans plus tard, ils seront environ 750 individus à avoir échappé à l'anéantissement...

Ici nous sommes en 1883, les grandes chasses sont dernières nous, il reste quelques milliers de bêtes à se partager, les consignes et primes de massacres donnés par l'armée US ont porté leur fruits, les guerres indiennes se sont terminées en affamant ainsi tout un peuple qui en tirait sa principale subsistance, et peut-être un peu plus... Robert Taylor est un ancien tueur d'indiens, il aimerait bien tuer des trucs un peu plus gros, alors il persuade Stewart Granger, ancien chasseur un peu dégoûté de ses années de pratique, de rempiler en s'associant avec lui pour une dernière chasse fraîche et joyeuse.

On se trouve une paire d'écorcheurs, de préférence répondant aux critères habituels des seconds rôles de western, à savoir le vieux pochtron bavard et truculent et le jeune puceau (ici, un improbable métis irlando-indien du plus beau roux), et on part dans les grands espaces...

Comme d'habitude, Richard Brooks ne fait pas dans la dentelle, son discours pré-écologique est bien appuyé, sa défense du peuple indien aussi, et sa description des valeurs sur lesquelles s'est fondée la nation américaine est absolument terrifiante.

Pourtant, ici, ça passe mieux que d'habitude, les thèmes brassés s'entrecroisent agréablement, on peut s'intéresser à la destruction presque totale d'une espèce à la fois pour elle-même et pour ce qu'elle représente pour les indiens, et les personnages ne sont pas d'une seule pièce.

Ainsi, Robert Taylor, plutôt pas mal du tout en monstre pitoyable, n'est que le fruit logique de cette nation qui se construit sur un massacre, c'est parce qu'il comprend ça très bien que Stewart Granger lui pardonne beaucoup, parce que cet être absolument inhumain à nos yeux est pourtant parfaitement représentatif de notre espèce. Mais bon, comme d'habitude, le meilleur, c'est le vieillard, Lloyd Nolan et sa jambe de bois, tout un programme...

Le film est très agréable à voir, en technicolor et cinémascope, dans des paysages superbes, avec des détails innombrables sur la vie des chasseurs. J'aime bien les voir faire leurs courses, fabriquer leurs balles le soir au coin du feu, faire sécher les peaux, aiguiser les couteaux, tailler un sifflet, bivouaquer joyeusement, expliquer le comportement du troupeau, ce qui permettra de l'abattre dans son intégralité à condition de choisir correctement l'ordre des victimes...

Ah oui, j'oubliais, c'est un peu un snuff movie animalier, petits cœurs fragiles pour les bestioles s'abstenir, parce que la mort s'effondre par tonnes pendant de longues minutes et que c'est bougrement fascinant. Le film commence d'ailleurs par expliquer qu'ils ont été autorisés à filmer l'abattage annuel de bisons par les agents de l'Etat pour une meilleure survie de l'espèce, le résultat est spectaculaire et donne quelque chose de rarement vu au cinéma...

D'ailleurs c'est son originalité qui fait la grande force du film, entre son sujet improbable poussé jusqu'au bout de sa logique, ses vraies scènes de massacre filmées, la place faite aux détails les plus minutieux et sa fin mémorable, La Dernière chasse finit par ne plus ressembler à grand-chose de déjà vu, du coup on lui pardonne aisément quelques lourdeurs et ça devient vraiment quelque chose d'un peu rare et précieux.

Pour les amateurs de western sur d'autres supports, sachez aussi que c'est visiblement le film qui a le plus marqué Derib, et que les allusions pullulent tout au long de son œuvre.

Et pour les amis des grosses bestioles qui n'oseront pas voir le film, je préfère les rassurer, il y a maintenant plusieurs centaines de milliers de bisons au Canada et aux Etats-Unis, ce qui permet aux heureux voyageurs visitant ces contrées de se repaître de leur viande en ragoût ou hamburger, même que ça fait super envie...

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le 6 juil. 2012

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Torpenn

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