Une petite pépite. On prend un vrai plaisir à suivre ces trois larrons dans cette virée américaine, une parenthèse enchantée avant la mort sociale de Meadows (Randy Quaid), le jeune marin condamné à huit ans de prison pour le (presque) vol de 40 dollars.
Le film tient sur Jack Nicholson (allias "Badass"), solaire du début à la fin, et surtout sur ce sentiment de liberté doux-amer qui traverse tout le film, comme si chaque fulgurance, chaque moment d'évasion devaient être contrebalancés par un dur retour à une froide réalité.
La soirée avec les hippies par exemple. Pour Mule et Badass, ce doit être l'occasion d'un bon moment et l'opportunité de rencontrer des femmes. Mais les beaux marins ne font plus rêver comme avant, il n'ont plus cette aura romantique. Mule se coltine un hippie qui lui parle de Nixon, du Viet-Nam ou de la condition des noirs dans l'armée, tandis que Badass rame pour arriver nul part avec une fille.
Même chose pour la nuit au bordel. Badasse et Mule donnent l'occasion à Meadows de se dépuceler et ce qui leur paraît joyeux se révèle au contraire sordide. Meadows sélectionne une fille presque présentable parmi plusieurs prostituées fanées aux regards tristes, on ressent que ces filles ont dû avoir un espoir, un jour, et qu'elles ne sont pas dans cet endroit de gaieté de cœur.
A côté de ça on a des moments de joie, d'ivresse, d'amitié virile… Mais sachant que ce n'est qu'éphémère on se dit surtout : "a quoi bon ?". Même un simple au revoir à sa mère ne lui est pas permis.
La fin est triste. Meadows échoue à une tentative d'évasion pathétique au cours de laquelle ses compagnons lui rappellent qu'ils sont surtout ses surveillants. On sent qu'il n'y croit pas lui-même, et se retrouve, comme c'était annoncé dès le début, en prison, où on nous fait comprendre que ça ne va pas être de tout repos pour un garçon si doux.
Avant de quitter la prison, Badass et Mule se font tancer par un employé de bureau procédurier (une histoire de formulaire non signé), comme pour nous faire comprendre que l'époque des vrais hommes est révolue et que ce sont les fonctionnaires et les petits chefs qui dominent le monde avec leurs règlements et leurs procédures.