Habitué de la Berlinale, où il a décroché l'Ours d'Or avec Le mariage de Tuya, Wang Quan'an y est revenu l'an dernier avec La femme des steppes, le flic et l’œuf (Öndög), chronique mongole qui fait toucher du doigt l'insoutenable infinitude de l'horizon et, partant, notre dérisoire condition humaine, à nous, les descendants des dinosaures. Le film est un voyage poétique qui ne s'embarrasse (presque) pas de dramaturgie, le meurtre commis dans la steppe n'étant qu'un prétexte pour aller à la rencontre de plusieurs personnages dont une bergère dont le premier voisin se situe à des dizaines de kilomètres. Wang privilégie les scènes en plans (très) larges, souvent au couchant du soleil, où les hommes font presque figures d'intrus dans la nature et parmi les animaux : chameau, loup, vache, chevaux sauvages. Sans céder à une esthétisation outrancière, le film est d'une beauté sidérante, à la lumière tombante du jour, de lampes frontales ou d'un feu de camp. Ce long-métrage contemplatif se savoure sans ennui, avec son humour discret (quand Love me Tender retentit nuitamment dans les étendues désertes) et ses dialogues simples et facétieux. Ce cinéma-là, au rythme lent, n'est pas pour tout le monde, sans doute. Il n'en est pas moins précieux pour son cheminement tranquille au-delà des modes et du fracas du monde dit civilisé.