Parler de film judiciaire et de procès renvoi directement à ce sous-titre "tiré d'une histoire vraie". La fille au bracelet de Stéphane Demoustier n'est pas de ceux-là, mais apporte pourtant un œil acéré et une plume "chef d'orchestre" sur cet univers plein de contradictions. La situation est la suivante : après une nuit passée chez sa meilleure amie, Lise, 16 ans est accusée du meurtre sanglant de celle-ci. Deux ans plus tard, le procès débute.
Si le procès se vit au travers des yeux de la famille de Lise (père, mère et frère), le spectateur garde son rôle en endossant celui de juré. Idée particulièrement exaltante et parfaitement exécutée, d'autant que les moments de vie hors procès ne viennent jamais altérer son jugement. De ce fait, le spectateur est constamment en porte à faux, déboussolé et sous tension. Comme si de notre délibération dépendait l'avenir d'une jeune femme que sa fragilité disculpe et que sa froideur accuse. Si l'on devait ressortir une seule qualité de La fille au bracelet, cela serait son immersion brute et totale... et Melissa Guers. L'une ne va pas sans l'autre.
Le long-métrage ne se repose en effet uniquement pas sur cette seule qualité, qui fait du spectateur, paradoxalement, un membre actif du procès. Lise est incarnée par la révélation de ce film, Melissa Guers, qui fait ses premiers pas dans le cinéma. L'astuce, l'idée de génie, pour rendre son jeu et son procès palpable fut le fait que le metteur en scène ne l'a pas écrit avec la conviction finale d'avoir une coupable ou une innocente. La comédienne dû composer avec son propre verdict et ne pas le communiquer, même à Stéphane Demoustier. Ainsi, par la froideur de son comportement, le vide qu'on perçoit parfois dans ses yeux, le doute constant s'installe. Melissa Guers porte en elle cette infime dualité entre culpabilité et innocence qui nourrit toute la tension du procès et donne tout son intérêt au film.
Et pour crédibiliser un peu plus le long-métrage, on retrouve des comédiens chevronnés tels que Roschdy Zem, Chiara Mastroianni, et Anaïs Demoustier dans un rôle pour le moins différent. Des figurants dans l'ignorance du verdict. On retrouve également de vrais membres de la magistrature et une partie du réquisitoire qui à été réécrite par l'un d'eux pour affiner et affirmer la précision millimétrée de La fille au bracelet.
Le procès est étouffant, dès qu'il se retrouve dans ce tribunal des assises, le spectateur sait qu'il va être tiraillé entre divers sentiments d'injustice quant à la manière dont est géré le procès. Que cette jeune femme soit innocente ou coupable, Stéphane Demoustier livre un constat édifiant entre les réussites et les failles du monde judiciaire. Assister par exemple à une forme d'humiliation de le jeune accusée devant des dizaines d'adultes reste une épreuve assez marquante. Ces épreuves sont ponctuées de moments de vie qui apparaissent comme autant d'instants de répit. Une parenthèse libératrice pour Lise, la famille et le spectateur juré. L'ensemble illustré par l'unique, et belle, bande-originale du film, le procès étant sans aucun artifice.
La fille au bracelet de Stéphane Demoustier est un film de procès au réalisme saisissant bousculant constamment nos attentes, nos préjugés et nos certitudes. Après ce fascinant procès d'assises, quelle est donc notre intime conviction ?