« Nos douleurs sont ignorées, personne ne sait nos travaux »
disait Balzac…
« La Fille au bracelet » démontre par l’intermédiaire d’un horrible fait divers, l’implacabilité de cette sentence. On ne connaît pas la vérité, peut-être même sera-t-elle éternellement masquée. Car les preuves manquent de poids dans cette histoire et les interprétations, procès d’intentions pour les uns ou tentatives de bonne foi d’éclaircir l’impasse pour les autres, pleuvent en masse sur le destin de cette famille immobilisée par une machinerie judiciaire nécessaire.
Le film de Stéphane Demoustier emprunte au genre procédurier la solennité froide des scènes habituelles de cours d’assises, et entre deux insondables plaidoiries, nous circulons sans complaisance, comme délesté de notre faculté de jugement, autour du quotidien limité de l’héroïne dont le mutisme fait craindre à certains le pire…
Le réalisateur entretient ce puissant doute tout le long, jusqu’à une ultime scène subtilement ambigüe. Arriver sans effets grossiers, jouant à l’économie de moyens et utilisant le silence, sous toutes ses formes, comme l’argument majeur d’un échec global à venir pour un système démontre la parfaite maitrise de Stéphane Demoustier sur son sujet.
Et à l’unisson, Roschdy Zem, Chiara Mastroianni et évidemment Mélissa Guers qui impressionne par son interprétation étouffée, ont parfaitement intégré ce message dans leur jeu. « La Fille au bracelet » dit peu, donc dit beaucoup. L’absence ne désigne pas une culpabilité, mais témoigne, parfois, d’une impossibilité pour l’Homme acculé de se défendre. Ce film a le mérite de rappeler qu’un dénouement limpide dans notre société de faux-semblants à la présomption fragile tient de l’exception.