"La folie des grandeurs" est d'abord un film de Oury, franco-italo- hispano-allemand : un vrai film européen, quoi ... D'ailleurs le casting comporte des acteurs et actrices d'un peu tous les horizons.
C'est aussi une parodie de la pièce de théâtre, Ruy Blas, de Victor Hugo. Je crois avoir lu que Oury avait eu une déplaisante expérience d'acteur dans les années 1960 dans la pièce de théâtre à la Comédie Française (rôle de Don Salluste) et avait, peut-être, déjà commencé à imaginer la même pièce en parodie.
Le film est donc une interprétation très libre et très débridée de la pièce de Hugo. Cependant, on reconnait ici et là, régulièrement des citations piochées dans le texte. Comme le "Bon appétit, Messieurs " pris à contre temps. Dans la pièce, Ruy Blas s'écrie en voyant les ministres se partager les richesses du Royaume, dans le film, c'est plus prosaïquement, à l'occasion du partage du gâteau d'anniversaire empoisonné.
De quoi faire retourner Hugo dans sa tombe...
Je note quand même deux phases dans le film. La première partie est étincelante, démarre en fanfare avec une diligence dans le désert espagnol sur une musique de Polnareff qui rappelle les musiques de Leone des westerns spaghettis. On s'y croirait tout à fait. Les gags et les réflexions à l'emporte-pièce de De Funès s'enchainent entre "Les pauvres c'est fait pour être très pauvres et les riches très riches" ou encore "Mais qu'est-ce que je vais devenir ? Je suis ministre, je ne sais rien faire !".
Et puis la deuxième partie, après la disgrâce de Don Salluste, je vois le rythme un peu baisser avec, tout de même, quelques belles prestations comme le célébrissime strip-tease d'Alice Sapritch. Il parait d'ailleurs qu'elle a dû se faire conseiller par une danseuse du Crazy Horse... et qu'il y a un petit mouvement de cul qu'elle n'aurait jamais réussi à faire. Qu'importe, c'est une scène superbe.
La scène dans le désert avec la noria activée par les ministres exilés pour arroser une pousse de bambou est tout-à-fait tordante.
La photographie et les décors sont somptueux notamment les prises dans le palais de l'Alhambra ainsi que dans les jardins.
Du côté des acteurs, De Funès réalise une très bonne prestation où il raille (les grands d'Espagne plus grands que lui mais à sa botte), où il courtise (le roi), où il trépigne, crie, tape, (Le De Funès habituel), où il trahit sans vergogne ("Sa Majesté a bien reçu ma lettre anonyme").
Yves Montand est excellent en valet en demi-teinte puis en ministre "social". Son rôle initialement prévu pour Bourvil a été adapté à sa personnalité. Au final, je ne sais ce qu'aurait été le rôle tenu par Bourvil (excellent sûrement), le rôle tenu par Montand est très bien. La belle scène du flamenco a sûrement été adaptée pour l'acteur Montand.
Une critique de l'époque avait reproché à Oury de faire dans le "commercial et le populaire". Oury avait violemment réagi en disant : Commercial ? Cet adjectif stupide me fait bondir ! Il ne signifie rien sinon que le public va voir ces spectacles. Faire des films à messages est une mode. Moi, je n'ai qu'un message, celui du rire. Quand les hommes rient, ils ne sont pas méchants