Vu deux jours après l'obtention de l'Oscar du meilleur film (et du meilleur réalisateur!!) sans que cela ait un lien direct, je vais rejoindre l'équipe de ceux qui pensent ce triomphe (relativement) mérité. Oui, « 3 Billboards » a un scénario infiniment plus original et audacieux, c'est une certitude. Mais bon, le travail formel de Guillermo Del Toro est simplement exceptionnel. L'introduction est à ce titre une merveille de poésie et de beauté plastique qui, sans être aussi évidente par la suite, restera l'ADN de l'œuvre tout du long. Il y a quelques facilités scénaristiques (vraiment, ce n'est pas si grave que deux femmes de ménage découvrent un top Secret Défense ?), la Créature n'est pas aussi marquante et exceptionnelle que d'autres inventions « Deltoroiennes », mais les décors sont exceptionnels, donnant une ampleur incroyable à l'entreprise, le contexte de la Guerre froide étant un léger plus quant aux enjeux animant le film. Et puis, c'est vraiment super beau, quoi... Chaque plan, chaque lieu, chaque couleur est l'occasion de montrer à quel point le cinéaste est devenu (et de loin) l'un des plus brillants plasticiens d'Hollywood, son hommage au cinéma (ancien, et pour cause) apportant une douceur, une émotion supplémentaire au récit.
Récit enrichi par des seconds rôles y ayant une place prépondérante, de l'excellent Richard Jenkins au non moins excellent Michael Shannon (enfin un méchant d'envergure dans un film aussi événementiel : ça fait plaisir!) en passant par la savoureuse Octavia Spencer. Et puis certains ont eu beau écrire que l'œuvre en faisait trop sur la différence avec ce personnage de sourde amoureuse d'un « monstre » : peut-être. Mais c'est aussi l'univers de l'œuvre : sa surdité lui apporte une sensibilité différente, une approche différente du monde et des gens. Cela peut paraître naïf, mais ça ne m'a vraiment pas dérangé, Sally Hawkins livrant une prestation tout en finesse, sans doute le plus beau rôle de sa carrière. « La Forme de l'eau » n'est pas un film parfait, mais c'est un beau film, dans tous les sens du terme, un conte pour adultes romantique et délicat à souhait si l'on accepte de plonger (ohoho) dans cet univers ô combien représentatif de son auteur, peut-être son œuvre (avec « Le Labyrinthe de Pan », dans un registre nettement moins hollywoodien) la plus aboutie : merci, M. Del Toro.