Durant notre plus jeune âge, nous avons tous eu peur au moins une fois, d’un monstre caché sous notre lit qui viendrait nous chercher jusque dans nos plus profonds cauchemars. Mais cette peur, qui s’est confortablement installé dans notre inconscient, ne repose que sur des descriptions terrifiantes. Cette peur, est invisible. Nous avons pris connaissance de cette dernière comme quelque chose de différent de nous, quelque chose qui serait donc forcément hostile. Car nous, en tant qu’être humain, avons peur de l’inconnu, peur de quelque chose qui ne nous ressemble pas et qui ne dispose pas de la même culture que nous. Alors, le seul moyen que nous avons pour nous rassurer est d’utiliser l’ethnocentrisme pour réduire l’autre à l’état d’étranger, ou même parfois à l’état « d’animal ». Mais en fin de compte, en agissant de la sorte, cela devient instinctif. Donc, qui est le plus animal dans tout ça ? Ne vaudrait-il mieux pas essayer de comprendre l’autre au lieu de passer son temps à essayer de le juger comme notre semblable ? Le film d’aujourd’hui essaie donc de proposer une réponse à ce problème.
La Forme de l’eau ou The Shape of water en anglais, est un film réalisé par Guillermo Del Toro que vous connaissez sûrement grâce à ses nombreux récits fantastiques comme Hellboy ou encore Le Labyrinthe de Pan. Présenté en sélection officielle à la Mostra de Venise 2017, il y remportera le fameux Lion d’or. Tout d’abord, La Forme de l’eau nous propose une performance d’acteurs assez remarquable. Mais une petite tête arrive tout de même à se démarquer des autres. En effet, la qualité du personnage de la femme de ménage muette Elisa Esposito joué par Sally Hawkins nous laisse sans voix. Même si La Forme de l’eau est avant tout une belle histoire d’amour, la figure de la fille parfaite qui n’a aucun mal à séduire le garçon un peu trop modeste est tout simplement mise de côté. C’est donc bien la jeune femme de ménage qui se masturbe tout les jours dans sa baignoire qui va finalement tomber amoureuse d’une créature inconnue possédant les caractéristiques d’un véritable dieu. Enfin, le reste du casting est également à saluer : Michael Shannon dans le rôle du beau, mais pas si intellectuel, tyran américain, se donne à fond dans son personnage pour le rendre détestable aux yeux de tous. Car si on peut voir un semblant de la société actuelle durant tout le long du film, Del Toro n’hésite pas à dénoncer le rejet d’autrui durant la période de la Guerre Froide, en établissant un parallèle entre d’un coté, la peur d’une étrange créature et de l’autre, l’exclusion des personnes « physiquement et moralement différentes », que ce soit pour leurs particularités physiques, leurs origines ou même leurs orientations sexuelles. Il faut d’ailleurs noter la touche d’humour ajoutée par la meilleure amie de l’héroïne, Zelda, jouée par Octavia Spencer, qui n’hésite pas à se défendre contre les nombreuses attaques envers sa couleur de peau. Et encore une fois, ce film prouve que l’humour est un très bon moyen pour faire taire les mauvais parleurs.
Parlons maintenant du côté esthétique du film. Car si vous allez voir La Forme de l’eau, ne vous attendez pas à tomber sur un scénario riche en rebondissements, car ce n’est pas l’objectif recherché. Le cinéma de Del Toro a toujours été tourné vers la beauté visuelle et cela se ressent rapidement. Car comme il l’est clairement annoncé dans le titre, l’eau est destiné à omniprésente durant tout le film. Et en effet, celle-ci apparaîtra sous plusieurs formes : pour symboliser les relations sexuelles comme durant la scène de la salle de bain, jusqu’à prévenir d’un danger immédiat grâce à une pluie battante. Des couleurs vives accompagnées de décors festifs et étranges se complètent parfaitement avec une musique accrocheuse de Alexandre Desplat qui fonctionne dès le début du film et qui nous rappellerait même le thème principal d’Amélie Poulain. Del Toro revient donc à ses classiques et aux bonnes vieilles comédies musicales des années 60.
Enfin, il est intéressant de noter que Del Toro n’a pas du tout essayé de rendre la créature réaliste. Fortement inspiré de l’Etrange Créature du Lac noir, « l’atout », incarné par Doug Jones, n’est présenté à l’écran qu’avec un simple costume. En agissant de la sorte, Del Toro renforce donc le côté humain de l’homme amphibien pour permettre au spectateur de se demander si finalement, la créature ne serait peut-être pas l’être le plus humain de tous.
La Forme de l’eau est donc un conte merveilleux que nous vous recommandons fortement. Nominée aux Oscars, notamment dans la catégorie du « Meilleur Film », la nouvelle création de Guillermo Del Toro n’a pas fini de faire parler d’elle.