Un portrait impitoyable du genre humain et une des meilleures interprétations de Davis !!!
Un film qui jouit d'une réputation assez mauvaise en rien arrangée par un King Vidor, qui avait du mal à dissimuler son agacement quant à la censure d'une scène trop explicite autour du sujet de l'avortement, et par une Bette Davis, qui n'avait absolument pas la moindre envie d'y jouer et, avec le caractère qu'on lui connaissait, ne s'en cachait absolument pas. Bref la seule et unique rencontre entre le réalisateur de "La Grande Parade" et la star de "L'Insoumise" n'a pas été un bon souvenir pour ces deux grands artistes...
Par contre, le spectateur que je suis si. Certes le film est marqué par le lourd sceau de la morale et cela dès la fin du générique du début. Mais quelle morale ???
OK le personnage de Bette Davis est chargé à mort, méchant, froid, calculateur, totalement égoïste mais il est parfois paradoxalement d'une telle inconséquence et d'une telle naïveté qu'au fond c'est peut-être celui qui attire le plus la sympathie, si on excepte celui de la domestique indienne qui ne se laisse pas faire ; sympathie renforcée aussi par le fait qu'il évolue parmi des personnages et un environnement peu reluisants.La petite ville de campagne industrielle dans laquelle étouffe la protagoniste est autant égratignée dans sa médiocrité qu'une grande ville comme Chicago. En ce qui concerne l'époux gentil interprété par Joseph Cotten, il est trop neuneu pour qu'on ressente pour lui autre chose qu'une forme de dédain.
Et puis Bette Davis est franchement excellente (contrairement à ce qu'elle disait !!!), j'irais même jusqu'à dire que c'est un de ses meilleurs rôles, y donnant toute la hargne et toute la haine qu'elle était capable d'insuffler à ses personnages sans le cabotinage sous lequel certaines de ses compositions antérieures, même parmi les plus admirées, étouffent. Elle avait atteint une maturité, une grandeur, un réalisme dans son jeu. La meilleure Bette Davis pour moi, c'est celle-là, celle des années 50 et des années 60.
Quant à King Vidor, le cinéaste connu pour son baroque et son lyrisme, se montre quelques fois bien inspiré à l'instar des plans avec en fond la cheminée d'usine constamment en feu qui symbolise le bouillonnement intérieur de l'anti héroïne.
On peut ajouter aussi quelques répliques cinglantes et cruelles, du genre "J’adore qu’ils me détestent, ça veut dire que je ne suis pas des leurs", qui font mouche.
Bref "Beyond the forest" est bien sûr un portrait impitoyable d'une femme médiocre dans toute son inimitié mais il est surtout un portrait impitoyable du genre humain dans son ensemble.