Je n'avais qu'un souvenir confus d'une parfaite harmonie entre Shirley McLaine et Jack Lemmon, et l'idée/l'envie de revoir une screw ball comedy.
J'ai été frappée, lors de cette nouvelle vision, par la douceur amère du film : oh, bien sûr, Lemmon a le don de m'arracher de grands sourires ravis avec ses grimaces, mais il m'a surtout surprise par sa fragilité, sa justesse, son humanité ("be a Mensch !"), la tendresse émerveillée de son regard et de son sourire, alors que la magnifique Shirley Mclaine (quelle adorable frimousse féline !) dort dans son lit, encore épuisée par les somnifères qu'elle a ingurgités pour oublier son amour déçu.
Bien sûr, l'univers déshumanisé de l'entreprise, avec ses foules en costume aux dressings sans fin, ses machines à écrire qui semblent avancer toutes seules, mues par un mouvement administratif perpétuel à la lisière du kafkaïen, et son curieux mode de promotion (prête garçonnière contre avancement éclair) fait sourire... tout comme les clins d'oeil à d'autres screw ball comedy (la référence à Marylin, notamment).
Mais je retiens surtout la justesse de cet amour qui ne veut pas se dire et se construit en creux, entre ces deux êtres "utilisés" ("Some people take, some people get took"), "usés" par une société fébrile, consommant les corps comme les clopes ou les cocktails ; deux pauvres âmes magnifiques qui n'osent pas tout de suite s'offrir la grâce et la fraîcheur d'un grand amour partagé, et braver leur solitude et leur timidité nappée d'une ironie défensive pour s'ouvrir l'un à l'autre.
Un très joli film bienveillant, qui oscille entre comédie et mélodrame pour offrir un moment somme toute très humain et touchant - ah, et ces tous derniers plans... quelle merveille, ce regard complice et ce sourire tendre !