S'il existe un pays ayant utilisé son cinéma à des fins de propagandes nationalistes ce sont bien les États-Unis. Que ce soit pendant ses guerres, pour relativiser les conflits ou après ses défaites, pour redorer le blason national, tout le 7e art Américain se voit jalonner d’œuvres aux allures diverses ayant pour uniques buts de rendre le sourire à toute la nation. Bien avant la période post vietnam, où la figure du héros prit un sacré coup, comme en ont attestés tous les plus grands réalisateurs (Kubrick, DePalma, Stone, Coppola), il y a eu la grande dépression. Avec elle arrive une série de comédies musicales, dont de nombreux classiques, qui font exploser le genre : inventives, démesurées, extravagantes, elles firent le bonheur d'un public plongé dans le contexte de l'époque qui trouva dans ses comédies la joie qu'il n'avait plus à la maison. Puis vint la seconde guerre mondiale, un événement lointain qui renforça le sentiment de fierté national dont la comédie musicale américaine profita, la Glorieuse Parade en tête.
Racontant la véritable existence de George M. Cohan, pionnier de la comédie musicale américaine, Curtiz articule sa narration comme une autobiographie racontée au président des États-Unis. Un Cohan âgé explique donc au président, via les flash-back de sa vie, comment il en est venu à le parodier dans sa dernière production, au crépuscule de sa carrière. Le film s'applique donc à raconter comment la famille Cohan a façonné le Broadway d'aujourd'hui, de la fin du 19e siècle à l'après seconde guerre mondiale. Ce qui marque d'emblée, bien évidemment, c'est le patriotisme outrancier du scénario : drapeaux à foison, chants pour la patrie, fierté affichée à son pays, amour de la nation, défilées militaires ; un pur matraquage visuel en l'honneur d'un pays dont les soldats sont en guerre. A l'écran ça frôle parfois l’écœurement, mais chez Curtiz ça apporte de l'entrain, de l'énergie à sa comédie, comme pour mieux divertir son auditoire. L'objectif étant de raconter les plus belles heures d'un personnage mythique du théâtre des années 30. C'est pourtant là que se situe une des faiblesses du film : George Cohan est un certes personnage fascinant, ambitieux, parfaitement interprété par le très expressif James Cagney, mais qui souffre d'un manque de complexité évident. Car insolent de réussite et frustrant de facilité, l'homme en devient énervant. Autant de réussites face à si peu d'échecs rendent l'empathie au personnage plus difficile, d'autant plus que celui ci nage dans un bonheur qui nous ferait presque espérer une chute qui n'arrivera jamais. Le symptôme illuminait pourtant tout le début du biopic : c'est merveilleux, optimiste, chantant, l'archétype d'une comédie musicale en somme.
Destiné à réchauffer les cœurs, donner confiance en son pays, réveiller le sentiment patriotique, Yankee Doodle Dandy est un biopic un peu lisse qui enchantait hier mais qui agace aujourd'hui. Ne manquant pas d'entrain, la comédie de Curtiz réussit pourtant à divertir par ses nombreuses chansons et son interprète principal : l'excellent James Cagney, qui remporta l'oscar du meilleur acteur cette année là. Bref, à voir.