Finalement Rome en nous, intacte
Jep Gambardella, critique artistique, découvre à soixante-cinq ans qu'il a gâché sa vie en fêtes romaines et soirées mondaines. Peu après cet anniversaire, un homme l'aborde sur son palier et lui apprend la mort de son premier et unique amour, qui, selon le mari, n'a jamais aimé que Jep. Deux coups du sort qui vont réouvrir à cet homme la voie menant aux souvenirs les plus précieux mais aussi aux amitiés nouvelles les plus surprenantes.
Il y a tant de mystères dans ce film, tant de délicatesse dans les sentiments évoqués, tant de férocité dans l'ironie avec laquelle Sorrentino peint les moeurs de l'aristocratie romaine, tant de moments subtils, précieux et comme saisis au hasard d'une errance dans les rues du petit matin romain, qu'il semble impossible de résumer cette histoire, cette trajectoire vers la beauté ultime, celle des sentiments vrais, de l'intégrité et de l'acquiescement à soi-même et au monde.
Le réalisateur joue à décevoir les attentes de ses spectateurs et ne recule devant aucune invraisemblance pour imposer au monde la trace magique d'une vision intime et habitée.
Son acteur principal, Toni Servillo, décuple le charisme de ce personnage monstre, réunissant en lui tous les malheurs et toutes les joies possibles, le cynisme absolu mêlé à un lyrisme effrayant en une même scène, toutes les époques en un seul lieu, en un seul geste : l'ablution matinale à la fontaine de la petite place où les rayons sont encore obliques.
Porté par une bande-son éblouissante, aussi disparate que les sujets et les ambiances évoqués, ce film est un chef d'oeuvre lumineux et poisseux comme un fleuve, dans lequel chacun en s'y mirant retrouvera Rome en lui, intacte.