Ainsi parlait Zarathoustra
Issu de la vague mystico-pessimiste de la fin des années 70, La Grande Menace se distingue pourtant du tout venant de ce type de productions.
L'œuvre n'est pas Hollywoodienne mais une coproduction franco-anglaise. Ce qui nous vaut un casting aussi hétéroclite que talentueux (Lino Ventura, Lee Remick, Richard Burton). Cela n'a toutefois pas que de bonnes conséquences. Car, s'il existe des films où la forme réussit à transcender le fond, pour La Grande Menace, c'est le schéma inverse qui s'applique. Si l'interprétation est de qualité, la réalisation, ainsi que la photographie, sont particulièrement conventionnelles. La direction artistique n'est guère mieux, marquée par son époque. Le film en ressort évidemment daté.
Mais tous ces défauts visuels (la musique, très goldsmithienne, est, elle, très bonne) cachent un scénario d'une étonnante audace. Tout repose sur la personnalité troublante de Morlar, l'écrivain victime d'un assassinat, racontée par sa psychologue via une série de flash backs. L'enquête sur le meurtre devient vite accessoire et s'oriente sur le « cas Morlar ». Or , l'inquiétant pouvoir dont dispose ce dernier n'est pas issu d'une volonté divine ou satanique ou toute autre croyance religieuse. C'est au contraire le premier jalon d'une évolution de l'être humain vers une supériorité mentale. Idée fascinante, quasi nietzchéenne, renforcée avec une grande intelligence par la façon dont réagit Morlar. Pas de « mon Dieu, je me repens », si Morlar est d'abord terrifié par ses capacités, il change d'attitude et se montre intrigué avant de finir par complètement les embrasser. Il se place alors comme un véritable apôtre du nihilisme dont la mission est de détruire toutes les classes asservissantes : noblesse, bourgeoisie, clergé, et plus largement toute la bêtise humaine. Osé quand même !
A ce titre, la conclusion est une merveille de pessimisme, parfaitement dans le ton. Grâce ce scénario extrêmement osé et provocant, le film est s'impose comme une petite perle à voir impérativement mais on ne peut s'empêcher de rêver à ce qu'il aurait donné si il avait bénéficié du sens visuel de metteurs en scène tels que Roman Polanski, Ridley Scott ou autres.