Vu grâce à mon estimé éclaireur Jeang55, moi qui n’aime pas les westerns, j’ai aimé ce « western normand », comme il l’a judicieusement nommé.
Jean Gabin est tel qu’en lui-même : bourru au bon fond, patriarche tyrannique au grand cœur, monolithique et tout de tension retenue.
Filmé à l’ancienne, le film illustre une forme d’Ancien Régime des campagnes françaises impassible devant la modernité et arc boutée sur ses valeurs traditionnelles assises sur le travail, la transmission, le respect hiérarchique du pater familias et la subordination des femmes pourtant sacralisées à travers leur maternité et leur maîtrise absolue de l’intendance. Une sorte de « Canicule », mais avec une vision plus positive de la grandeur paysanne.
Granier-Deferre sait exprimer toute la violence et la beauté de ce monde à travers quelques touches subtiles : un plan sur la nuque solide du personnage de Gabin, le visage d’une jeune fille en pleurs, l’incarnation de la modernité malfaisante se salissant les pieds dans la boue, le silence d’une tablée où tout se dit tacitement… Ce n’est pas un cinéma de l’action mais chaque plan porte en puissance un monde de significations ; l’expression assez subtile des rapports conflictuels entre la société et l’individu, gardien de la tradition dont le devoir prime sur toute autre considération, que ce soit le bonheur personnel ou le respect des règles sociales, est vraiment réussie.
Une mention spéciale, dans le genre carton rouge, à la bande son improbable pondue certainement un soir de beuverie par Gainsbourg. Aucune note électronique à la mode des années 70 ne correspond à l’image, elle a presque réussi à me gâcher le plaisir du film ! ( désolée, Jean :-( )