L’œuvre de Chris Marker, malgré son format très court, réussit le tour de force d’intégrer de nombreuses richesses.
La Jetée c’est d’abord l’introduction d’un nouveau procédé cinématographique caractérisé par une succession de photographies : photo-roman – nom que lui donne le cinéaste. L’harmonie et la fluidité avec laquelle ses images s’enchaînent nous en font vite oublier l’immobilité. Le réalisateur se permet aussi d’insister sur des scènes en particulier en figeant l’image plus longuement.
La Jetée c’est aussi une bande son unique en son genre qui vient se substituer à l’absence de dialogues. Une voix-off au timbre grave, entrecoupée par une composition horrifiante qui accentue la cruauté du récit, nous entraîne dans les méandres du temps. Ce conte post-apocalyptique, dans lequel les humains n’ont d’autre choix que de vivre cachés sous terre, se construit autour d’un homme marqué par un souvenir d’enfance. Celui d’un visage féminin sur la jetée d’Orly. La clarté de sa mémoire fera de lui un cobaye pour tenter de briser les barrières du présent afin d’échapper au chaos certain.
L’artiste réussit ainsi son pari risqué de mettre sur pieds un photo-roman et non un film avec des images animées avec lesquelles l’imagination des arrêts sur image n’aurait pût être achevée.