Je suis un peu (beaucoup ?) passé à côté de "La Jetée" lors de mon premier visionnage, il y a près de 15 ans. La cause : j'avais découvert le "12 Monkeys" de Terry Gilliam peu avant. Qui est un quasi remake de "La Jetée", au scénario forcément plus élaboré (2h09 contre 28 minutes !). Or, le moyen-métrage de Chris Marker mérite beaucoup mieux que d'être considéré comme un brouillon du film de Terry Gilliam.
Déjà, sur la forme, "La Jetée" a réussi malgré les décennies à garder son statut de film expérimental. Puisqu'il s'agit d'un roman photo en noir & blanc, sans vrai dialogue. Tout nous est conté par une voix off caverneuse, et par les expressions des acteurs photographiés.
Ensuite, en tant qu'oeuvre de SF, le film parvient à aborder des thématiques passionnantes malgré sa durée modérée. On y parle 3ème guerre mondiale, expérimentations sur des prisonniers, voyage dans le temps... Mais c'est aussi et surtout un film sur la mémoire.
En effet c'est la mémoire forte d'un moment violent, vu alors qu'il était enfant, qui permet à notre héros de se détacher de la masse pour voyager dans le temps... et de (re)découvrir le monde pré-apocalypse. Une idée poétique, qui sera élaborée jusqu'à un twist final fataliste devenu célèbre. Et qui s'accorde parfaitement sur le fond avec la forme de roman photo, succession d'instants immortalisés.
Avec en prime une jolie BO (musique religieuse !), et de très belles photographie. Où les ombres et les visages inquiétants, bien que minimalistes, sont parfaitement convaincants pour communiquer l'horreur d'un monde post-apocalyptique.
Pour l'anecdote, "la Jetée" s'inspire doucement de "Vertigo" par quelques plans, dont celui du séquoia découpé affichant des repères temporels. Terry Gilliam honorera cette référence, projetant quelques images de "Vertigo" dans "12 Monkeys". La boucle (temporelle ?) est bouclée !