Faire la critique d'un film de propagande est toujours un exercice difficile. Que doit-on privilégier ? Les qualités techniques de l’œuvre ? L'implication que l'on ressent dans le récit ? Ou le message qui est exprimé ?
Souvent, quand l'on parle d'Eisenstein, c'est le premier point qui est privilégié. Et assurément, à ce niveau, le réalisateur a du génie à revendre. Sa technique du montage, la science de ses cadrages ont inspirés des générations entières de cinéaste.
Dans ce domaine, La Ligne Générale ne fait pas exception. Pour un film de 1929, l'emballage technique est impressionnant. La photographie est de toute beauté. Le montage est, comme il se doit, audacieux et à l'impact indéniable. La manière dont Eisenstein met en valeur les visages O combien typés des paysans marque forcément les esprits.
Techniquement, c'est du grand art.
Mais si on se focalise sur le reste, La Ligne Générale a moins de quoi fanfaronner.
Replaçons le film dans son contexte. En 1929, la NEP était sur le déclin. La collectivisation forcée des campagnes était sur le point d'être lancée à marche forcée par Staline. Hors, si l'URSS peut, au cours de son histoire, se targuer de quelques réussites, la politique agricole n'en est certainement pas une. Au contraire, ce fut même le plus grand échec du régime. Régulièrement, il tenta de réformer les campagnes, de trouver un moyen de faire coïncider collectivisation et rendement agricoles. Là, il n'y parvint jamais.
La Ligne Générale étant tout entier fondé sur l'idée que la collectivisation est la voie du progrès, la solution pour libérer le paysan de sa condition misérable, et touts ses personnages des archétypes afin de permettre une assimilation la plus simple possible du message exprimé, il est difficile en 2015 de regarder le métrage sans une grosse dose de circonspection.
Les plus optimistes se rattacheront aux bonnes intentions égalitaristes affichées, les plus critiques y verront l'auto-justification officielle (et en grande partie artificielle) d'un régime sur le point d'entrer dans sa période la plus noire.