Vous croyez regarder un film de guerre. Mieux, un film sur la guerre.
Vous regardez un film- poème inouï, écrit, dirigé et monté par Terence Malick.
Il nous a offert cette oeuvre comme tout artiste devrait le faire, en pensant que c'était la dernière.
Après des années de silence ou de repli, et ses Moissons du Ciel accouchés dans la douleur à vouloir tutoyer le Sublime et le Mal, Malick renoue ce fil ténu du regard sans concession, sans honte et sans trivialité sur l' Homme; les soldats éperdus se touchent presque comme des amants, se parlent comme des âmes sœurs, des frères d'armes qui en ont trop vu, trop vécu.
Malick reprend des motifs du film sur la guerre chers à Kubrick, mais en choisissant un regard empli de compassion. Il dissout la violence dans un bain panthéiste de Nature qui égare les soldats ou les remet sur le Droit Chemin. Les images sont sublimes de couleurs vertes et bleues, des textures d'herbes au vent qui forment des tableaux animés, la fluidité de la caméra surpasse son film précédent, merci la steadycam inventée pour les besoins de Kubrick, à laquelle s'ajoute celle du montage. Nous baignons dans un univers liquide et aérien, traversé de trajectoires de balles, de souffrance, le désespoir n'est que le miroir de l'espoir déçu, l'ennemi est invisible ou fondu dans la Nature, chasseur ou proie, l'Ennemi est en soi, la peur, l'indifférence, qu'est-ce qui est pire?
Le film est imparfait de son désir de perfection, la poésie des vers de la voix off surjoue parfois, Malick n'a pas peur de perdre mais il y parvient hélas un peu.
Rarement s'est-on plus humain et épris de spiritualité qu'au sortir de ce bain sensoriel filmique.